jeudi 22 octobre 2009

La France est-elle une démocratie ? (7)L'affaire de la lettre de Guy Mocquet



Henri Guaino, conseiller spécial du président de la République a déclaré : "Les enseignants ont un devoir (...) c'est de faire leur métier d'enseignant, donc d'obéir aux directives". Etre enseignant, "ce n'est pas une profession libérale (...) c'est une profession de fonctionnaire. Il y a des directives et il n'est pas indigne, au regard des lois de la République et des grands principes qui nous gouvernent, de lire la lettre de Guy Môquet".

N'y a-t-il pas un paradoxe à imposer autoritairement un personnage et un texte exaltant l'esprit de résistance ? Tous les fonctionnaires de Vichy qui auraient résisté sont donc ici désavoués par M. Guaino, tandis que ceux qui n'ont fait que leur devoir, c'est-à-dire obéir aux ordres ou aux directives, doivent être loués et honorés. Tels sont donc, d'après M. Guaino, les grands principes qui nous gouvernent. M. Guaino pense-t-il vraiment que Guy Mocquet ait lutté et soit mort pour voir restreinte la liberté des enseignants, et leur vocation réduite à un prétendu esprit « fonctionnaire » ?
M. Guaino, auteur du fameux discours de Dakar, prononcé avec le succès que l'on sait auprès des intellectuels africains par le président de la République française, pense sans doute que les enseignants français, comme les Africains, ne sont pas encore « entrés dans l'Histoire ». L'« Histoire », c'est-à-dire l'exploitation incessante des ressources naturelles et humaines au profit d'une oligarchie, d'une ploutocratie, elle aussi, comme la liberté, de plus en plus restreinte... Etre enseignant, "ce n'est pas une profession libérale (...) c'est une profession de fonctionnaire ! Cela prépare-t-il la privatisation et la marchandisation de l'éducation ? Nous ferait-on par hasard miroiter que la profession d'enseignant ne rentrerait dans tout son prestige et tous ses droits que si elle était privatisée ? Non, Monsieur Guaino, ce n'est pas la profession d'enseignant qui est libérale, c'est le savoir qui, intrinsèquement, est libéral, et par conséquent sa diffusion, ses moyens et ses méthodes de diffusion. Si l'on s'attaque à la liberté de ceux qui diffusent ce savoir, c'est le savoir lui même que l'on dénature en le réduisant à des directives autoritaires. Et, à vrai dire, si la profession d'enseignant était fondamentalement une profession de fonctionnaire, on en connaît plus d'un qui auraient choisi autre chose de beaucoup mieux payé, par exemple conseiller des grands princes (pardon des grands principes !) qui nous gouvernent...

Source : Le Monde - La Toile de l'éducation
« Obéissance et résistance. Un autre haut personnage a réaffirmé, mardi 20 octobre, cette obligation sur France Info : Henri Guaino, conseiller spécial du président de la République. Il a ajouté à ce rappel un commentaire sujet à caution : "Les enseignants ont un devoir (...) c'est de faire leur métier d'enseignant, donc d'obéir aux directives". Etre enseignant, "ce n'est pas une profession libérale (...) c'est une profession de fonctionnaire. Il y a des directives et il n'est pas indigne, au regard des lois de la République et des grands principes qui nous gouvernent, de lire la lettre de Guy Môquet". Pour le journal d'école de Lubin, "cette consternante définition du métier d'enseignant illustre à nouveau la lourde dérive du sarkozysme, qui tend à confondre le service public avec la satisfaction des intérêts particuliers ou des lubies des dirigeants". »

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