dimanche 28 février 2010

La pensée du dimanche soir

Ministère de l'Éducation nationale = Ministère des Armées + Ministère de l'Intérieur (3)

Motion du CA de l’Université Stendhal-Grenoble 3

Le Conseil d’administration de l’université Stendhal-Grenoble 3, réuni le 26 février 2010, s’étonne de la convocation à la DGRH du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche de Sabine Luciani, Vice-présidente du jury du CAPES de Lettres Classiques, suite à la motion votée par ce jury attirant l’attention du ministère sur les dangers actuels de la réforme de la formation des enseignants.
Il semble en effet relever de la pleine responsabilité du jury du CAPES que d’exprimer son avis sur cette question. Au demeurant, cette motion, approuvée par l’ensemble des membres du jury sauf 7 personnes n’ayant pas pris part au vote, ne fait que rejoindre les innombrables motions votées dans les CA d’établissement, les conseils d’UFR, les associations de doyens, les sociétés savantes, la CPU, la CDIUFM, les sections du CNU. Elle reflète donc l’avis très massif de la communauté universitaire.
La convocation de Sabine Luciani (et d’elle seule) à la DGRH du MESR peut donc passer pour une tentative d’intimidation sur une collègue isolée qui, n’étant pas présidente du jury de Lettres Classiques, ne peut d’ailleurs le représenter.
Le CA de l’université Stendhal condamne fermement cette démarche.

Approuvée à l’unanimité.

Sans titre, sans commentaire...

samedi 27 février 2010

Les méfaits annoncés de la LRU (13)

Ministère de l'Éducation nationale = Ministère des Armées (suite)

Sabine Luciani devrait être mise aux arrêts de rigueur... et rétrogradée ! Tant de muflerie, de mépris, de mauvaise foi, et d'arrogance de la part de fonctionnaires supérieurs au service de la Nation et de l'Éducation révolte, consterne ! Mais, comme dit le proverbe : « tel maître, tels valets ».
Étourneau

Convocation au Ministère de l’Éducation Nationale
CR de la réunion du 19 février 2010


J’ai d’abord reçu un appel téléphonique du secrétariat de Mme Théophile (DGRH) en vue d’une convocation au Ministère de l’Éducation Nationale, en tant que vice-présidente du jury du Capes externe de Lettres Classiques. Le motif de cette convocation n’a pas été précisé, mais j’ai demandé, comme il se doit, une convocation officielle et un ordre de mission.

Sur les conseils de Mme Lise Dumasy, Présidente de l’Université Stendhal-Grenoble3, j’ai pris contact avec des représentants syndicaux, qui ont proposé de m’accompagner à ce rendez-vous. Le secrétariat de la DGRH a été prévenu que je serais accompagnée de M. Bernard (Secrétaire national du SNESup) et de M. Gay (Secrétaire national d’Autonome sup).

La convocation, que j’ai reçue 5 jours avant le date fixée par téléphone, émanait de M. Santana, sous-directeur du recrutement de la DGRH. Le motif indiqué était le suivant : « convocation à une réunion ayant pour objet le concours externe du Capes de Lettres Classiques ».

Je me suis rendue à cette convocation en compagnie de MM. Bernard et Gay. Mais ils n’ont tout d’abord pas été autorisés à entrer dans le bureau de M. Santana, qui a tenu à me recevoir seule pour me transmettre, de la part du cabinet ministériel, le message suivant :

En tant que vice-présidente du jury du Capes, nommée par le ministère, je n’ai pas à exprimer mon opinion sur les modalités du concours et encore moins à les contester. Toute expression publique et/ou collective du type motion ou pétition est incompatible avec la fonction que j’occupe au sein du jury. Après ce rappel à l’ordre, j’ai été fermement avertie que le renouvellement d’une telle initiative serait considéré comme une invitation à me relever de mes fonctions. Il m’a été en outre précisé que dans la mesure où je désapprouvais la réforme du Capes de Lettres Classiques, il m’était tout à fait loisible de démissionner.

Suite à cette mise en garde, j’ai été invitée à m’expliquer rapidement sur les motifs de notre action. J’ai tout d’abord souligné que le Capes de Lettres Classiques était particulièrement touché, pour ne pas dire dénaturé, par la réforme des concours. J’ai en outre fait valoir que la motion incriminée ne provenait pas d’une initiative isolée, mais d’un mouvement collectif porté par l’ensemble du jury et qu’elle était soutenue par la 8ème section du CNU et par toutes les associations de promotion des langues anciennes telles l’APLAES et la CNARELA. Je me suis ensuite étonnée d’avoir été convoquée seule quand M. Mazouer, président du jury, et M. Foulon, vice-président, s’étaient dès l’origine associés à la rédaction de la motion. Mon interlocuteur a alors argué d’une déclaration critique à l’égard de la réforme, que j’aurais personnellement rédigée et dont je serais seule signataire. Malheureusement ce document n’a pu m’être présenté de sorte que j’ignore encore le texte qui m’est reproché. J’ai fermement contesté ce point précis, ne revendiquant rien d’autre que notre motion collective.

S’est ensuivi un échange d’arguments sur le devenir du Capes de Lettres Classiques, unique objet de préoccupations - il est important de le rappeler - des signataires de la motion. Mon interlocuteur a insisté sur le fait que le recrutement des professeurs était l’affaire du ministre et que les universitaires, pour compétents qu’ils soient dans leur discipline, n’avaient pas à se préoccuper des modalités du concours. Il a tenu à rappeler que la présence des universitaires dans les jurys de concours n’était nullement obligatoire et qu’il était aisé de remplacer ceux qui démissionnaient. De mon côté, j’ai tenté de revenir au fond du problème en faisant valoir qu’il ne s’agissait pas ici d’une contestation gratuite, mais d’une déclaration motivée par notre souci concernant la qualité du concours et l’amélioration de la formation de nos futurs collègues : ce texte visait à attirer l’attention des autorités et de l’opinion sur les problèmes posés par la réforme de notre concours, qui, dans sa nouvelle version, ne permettrait plus d’évaluer précisément et équitablement les compétences des candidats. Comment en effet évaluer les aptitudes des futurs enseignants de latin et de grec au moyen d’une seule et unique épreuve écrite, qui vient se substituer aux deux versions de latin et de grec et à l’explication de texte orale ?

Il n’est pas utile de rapporter ici le détail d’une discussion, au cours de laquelle M. Santana a corrélé baisse d’effectifs en langues anciennes et méthodes d’enseignement utilisées dans le secondaire. L’ensemble de la discussion a duré une quarantaine de minutes.

Après une interruption de quelques minutes, la seconde partie de l’entretien, qui a duré environ quinze minutes, s’est déroulée en présence de MM. Bernard et Gay sur un mode plus détendu. Suite à la réitération du message initial, ils ont tous deux fait remarquer que « la participation à un jury de concours et notamment en qualité de vice-présidente ne consistait pas à un rôle d’exécutant du ministère mais de collègue naturellement soucieux de la qualité de la formation et du recrutement des enseignants ». Ils ont également fait part de leur « inquiétude face à une dérive portant atteinte aux libertés fondamentales d’opinion et d’expression ».



Sabine Luciani
Professeur de Langue et Littérature Latines
Université Stendhal-Grenoble3

vendredi 26 février 2010

La France est-elle une démocratie ? (46)

Le « serment de Harvard » ou Faut-il imiter les Etats-Unis ? (Suite - n° 9)


« [...] le management d'Harvard, son corps professoral et aussi ses élèves ont décidé de relever le défi du manque d'éthique de certains dirigeants. En mai 2009, un jeune diplômé, Max Anderson, a mis en place un serment d'Harvard, sorte de serment d'Hippocrate des managers. Alors que l'objectif était de voir 10 % de sa promotion signer le serment, 50 % des diplômés 2009 l'ont accepté. Le serment prend la forme de huit promesses comme « J'agirai avec une totale intégrité et ferai mon travail de manière éthique » ou « J'assumerai les conséquences de mes actes et je présenterai exactement et honnêtement les résultats et les risques pris par mon entreprise » (http://mbaoath.org/). Les critiques le trouvent difficile, pour ne pas dire impossible, à respecter. Ainsi, il n'est pas aisé de concilier la promesse « Je protégerai les intérêts des actionnaires, de mes collègues, de mes clients et de la société dans laquelle nous nous trouvons » et la suivante « Je participerai activement au développement durable au niveau mondial dans ses composantes sociales, économiques et environnementales ». Si un signataire se révèle être un brigand dans quelques années, le serment deviendra alors le symbole de l'hypocrisie des dirigeants. En effet, avec ses promotions importantes, HBS [Harvard Business School] pourrait avoir des brebis galeuses dans ses rangs, qui pourraient ternir le renom de leur école. […]
en février 2010, moins de 1.850 personnes dans le monde ont signé le serment d'Harvard, soit moins de 2 % de l'ensemble des diplômés de MBA en une seule année aux États-Unis.»
Par 
Bertrand Venard, 
Professeur, Audencia, 
Nantes School of Management

jeudi 25 février 2010

schizophrénie (suite 5)

Alain Caillé - L'université dépérit au profit des grandes écoles
Propos recueillis par Bernard Poulet - 01/03/2010

Des moyens réservés à quelques établissements privilégiés, la pénurie pour les autres ; une autonomie scientifique et économique en trompe-l'oeil... Analyse des effets et des méfaits de la réforme Pécresse.

Les universités françaises sont gravement malades. L'an dernier, les réformes annoncées par le gouvernement ont provoqué des mois d'agitation, y compris parmi les mandarins apparemment les moins politisés. Quels sont les motifs de cette colère, qui semble retombée mais qui n'est pas éteinte ? Alain Caillé, docteur en économie et en sociologie, animateur de la revue du Mouvement anti-utilitariste dans les sciences sociales (Mauss) et l'un des initiateurs du Manifeste pour la refondation de l'université française, explique ce qui fait la spécificité de l'institution universitaire, et les racines d'une crise qui affecte toute la société et notre économie.

Comment situer la réforme de l'université proposée par Valérie Pécresse et qui, l'an dernier, a provoqué sept mois de grève ?

Elle s'inscrit dans une stratégie mondiale engagée depuis une vingtaine d'années autour de l'idée de new public management, une norme universelle de "bonne gouvernance" qui devrait s'imposer dans tous les Etats. En France, cela a pris la forme de la Loi organique relative aux lois de finances, puis de la Révision générale des politiques publiques. Mais on a l'impression que ces réformes avancent masquées, sans jamais énoncer les principes au nom desquels elles se font. Valérie Pécresse l'a elle-même confessé en suggérant que l'université était "irréformable". On se contente de mettre en place des procédures "objectives" pour atteindre les fins recherchées sans jamais vraiment les dire. De plus, dans les pays où ces réformes ont été appliquées, elles vont dans le sens d'une décentralisation et d'une délégation de pouvoir aux administrés, alors qu'en France l'autonomie annoncée va de pair avec un renforcement de la centralisation et du contrôle du pouvoir central.

Néanmoins, les universités sont manifestement en crise profonde...

C'est vrai. Mais, en les vidant au profit de ce qu'on appelle les grandes écoles, on perd sur trois tableaux. D'abord, sur celui de la démocratisation, puisque les écoles sursélectionnent. Ensuite, sur le plan scientifique, car la plupart des enseignants des grandes écoles ne sont pas des chercheurs. Enfin, on retranche de plus en plus de la formation des élites françaises tout ce qui relève de la culture générale, pour en faire des élites gestionnaires qui ne se posent plus guère de questions et sont incapables d'affronter l'imprévu. Par exemple, en économie, la discipline est totalement segmentée, et plus un seul économiste "généraliste" ne comprend l'économie financière. On vient de le constater.

Ce qui se joue à travers la loi LRU [loi relative aux libertés et responsabilités des universités de 2007, dite "loi Pécresse" ou loi d'autonomie], c'est l'aval donné à un dépérissement de l'université face aux autres établissements d'enseignement supérieur, en particulier les grandes écoles, qui comprennent un grand nombre de moyennes et petites "grandes écoles" - de commerce, d'ingénieurs ou de gestion - de plus en plus privées. La réforme augmente un peu les moyens de quelques établissements privilégiés, et abandonne les autres à leur pénurie.

La société française fonctionne selon un système schizophrénique : elle est à la fois radicalement égalitariste et radicalement élitiste et monarchique. La dualité universités-grandes écoles assigne aux seules universités le pôle égalitariste, et aux grandes écoles, le pôle monarchique.

Mais quand Valérie Pécresse dit que l'université est irréformable, a-t-elle vraiment tort ?

Elle n'a pas complètement tort, en effet. Il y a une responsabilité conjointe des gouvernements successifs, formé par des élites qui connaissent peu la culture universitaire, et des universitaires eux-mêmes, qui n'ont pas réussi à créer leurs instances de débat ni à fonctionner comme une communauté. Sans parler des syndicats, qui agissent sur un mode essentiellement corporatiste.

Alors, pourquoi critiquez-vous aussi la décision d'accorder plus d'autonomie aux universités ?

Sur le papier, c'est très bien. En réalité, l'autonomie proclamée dans la loi LRU est doublement problématique. Parce que les ressources financières viennent toujours pour l'essentiel de l'Etat, les universités n'ont donc pas de véritables ressources propres, au contraire de leurs homologues américaines.

Ensuite, parce qu'on entretient une confusion entre autonomie de gestion et autonomie scientifique. Et ce qui a contribué à mettre le feu aux poudres, c'est que la loi LRU diminue l'autonomie scientifique des équipes universitaires, notamment du fait de l'accroissement des pouvoirs des présidents d'université. Or il n'y a d'université que pour autant qu'elle conserve une autonomie relative, tant par rapport à l'Etat qu'à l'égard du marché.

Pourquoi refusez-vous les systèmes d'évaluation qui sont en vigueur un peu partout ?

Il peut être utile d'essayer de mesurer les performances. Encore faut-il que les méthodes ne soient pas trop contestables. Prenons ce qui se passe en économie. Pour avoir le droit de passer l'agrégation, il faut avoir trente points dans son dossier. Et ces points s'acquièrent par la publication d'articles dans des revues homologuées et hiérarchisées. Or une publication dans la meilleure revue française rapporte deux points, alors que dans une revue standard américaine on en gagne huit.

Les indices bibliométriques sont souvent absurdes. Ainsi, dans les sciences dures, la revue la mieux classée selon l'International Science Information se retrouve cent quatre-vingt-quinzième dans le classement concurrent CiteSeer. Celle qui est deuxième dans le premier classement n'apparaît même pas dans le second. De manière plus générale, on substitue à l'évaluation par les pairs une évaluation extérieure. Et cela entraîne la tentation de trafiquer le thermomètre : au lieu de produire des articles intrinsèquement intéressants, on rédige pour être bien classé. C'est la politique du chiffre.

Enfin, l'expertise anonyme fait presque systématiquement triompher l'opinion moyenne et aseptisée, ce qui "doit être fait" dans la discipline. Toute opinion qui sort de ce cadre est évacuée. On a pu dire qu'avec une telle évaluation Einstein n'aurait pas été recruté.

Que pensez-vous du classement de Shanghai et du "processus de Bologne", qui voulait créer un "espace européen de l'enseignement supérieur" ?

La logique du processus de Bologne est celle de l'imposition d'une norme "quasi marchande", qui fait du savoir une marchandise fictive. Il est allé de pair avec l'idée du new public management et avec la volonté de lancer les pays européens dans une "économie de la connaissance" compétitive, passant par l'amélioration du classement mondial de nos universités. Or celui de Shanghai, en 2003, a traumatisé nos élites, qui n'ont même pas interrogé sa pertinence. Quel sens cela a-t-il de chercher à gagner des places dans un classement totalement biaisé qui survalorise les productions en anglais ou qui ne prend pas en compte les productions du CNRS ? Si le problème était d'améliorer nos classements, il suffirait de regrouper les universités, et elles remonteraient mécaniquement. Mais en réalité ça ne dirait rien de la qualité de leurs productions et de leur enseignement.

Les universités américaines sont pourtant célébrées par la plupart des chercheurs. Pourquoi refuser leur modèle ?

On ne peut pas plaquer sur le système français, produit d'une histoire particulière, des éléments périphériques du système américain. On ne peut pas imposer à tout le monde une grille d'évaluation qui ne valorise qu'un certain type de productions universitaires, et faire comme si, pour obtenir les mêmes résultats, il suffisait d'une organisation "à l'américaine", d'ailleurs impossible - ne serait-ce que parce que les logiques de financement n'ont rien à voir avec celles des Etats-Unis.

Je ferai également remarquer que le responsable des éditions de sciences humaines de Harvard, Lindsay Waters, dénonce la survalorisation - y compris aux Etats-Unis - des petits articles de revues au détriment des livres [L'Eclipse du savoir, Allia, 2008]. Car l'un des paradoxes, c'est aussi qu'on opère ces évaluations sans prendre en compte les livres publiés. Le livre s'adresse à une intelligence commune, alors que ces articles cultivent l'ésotérisme, l'hyperspécialisation jargonnante et autoréférentielle. Lindsay Waters parle d'une "crise du jugement". La cécité des spécialistes ne cesse de se renforcer. Dans le champ des sciences humaines, on est devenu à la fois de plus en plus intelligent et de plus en plus idiot. On a gagné en technicité, mais on a perdu la capacité d'analyse générale. C'est comme si en médecine il n'y avait plus que des spécialistes, et plus de généralistes capables de faire un diagnostic d'ensemble cohérent.

En France, quelques établissements comme Sciences Po-Paris, Dauphine ou HEC fournissent un modèle alternatif.

C'est en effet un modèle qui gagne du terrain. Sciences Po tend à devenir une véritable université à elle seule. Elle peut donner le sentiment que c'est un bon modèle, puisqu'il est très interdisciplinaire et exigeant. Mais ces établissements profitent doublement d'une concurrence déloyale. D'abord parce que, contrairement à eux, les universités ne sélectionnent pas leurs étudiants. Ensuite parce que ces établissements supposés plus autonomes utilisent, sous forme contractuelle, beaucoup d'enseignants qui viennent des universités et sont payés pour l'essentiel par elles.

On reproche aux universités de ne pas former à des métiers, leurs étudiants seraient inadaptés aux entreprises. N'est-ce pas fondé ?

Il faut éviter les confusions. Il est normal et nécessaire que les universités entretiennent des contacts avec les entreprises. Il n'en résulte pas qu'il faille subordonner toute la recherche et l'enseignement à la formation professionnelle. L'université doit transmettre un patrimoine de connaissances et de culture générale qui ne se réduit pas à des connaissances utilisables immédiatement. Si l'on subordonne ces objectifs à une priorité de recherche d'emploi, ce n'est plus une université.

Que faire, alors ?

Certaines mesures sont évidentes, telle la création de premiers cycles universitaires aussi attractifs par leur excellence que les classes préparatoires aux grandes écoles. L'obligation d'accueillir tous les bacheliers dans les universités ne doit pas se traduire par l'impossibilité de créer des cursus exigeants et attractifs. Il ne s'agit pas de reproduire le bachotage des classes préparatoires, mais de créer des collèges universitaires plus ouverts, plus inter-disciplinaires et plus branchés sur la recherche. Le défi est d'arriver à marier une norme d'égalité maintenue - droit d'accès à l'université - et une norme d'égalité de principe entre universités - avec une ambition d'excellence. C'est la condition pour sortir de l'affaissement généralisé.

Alain Caillé

Alain Caillé "prend au sérieux" l'oeuvre de Marcel Mauss, neveu et héritier spirituel d'Emile Durkheim, et tout particulièrement son Essai sur le don. A ce titre, il est un critique de l'"économicisme". Il est l'auteur de nombreux livres, dont Critique de la raison utilitaire (La Découverte, 1989), La Démocratie au péril de l'économie (Presses universitaires de Rennes, 2006) et La Reconnaissance aujourd'hui (CNRS Editions, 2009).


"it's the university, stupid" (3)


Étude réalisée du 2 au 9 février 2010 par Opinion Way pour le compte du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, auprès de 300 recruteurs et de 500 étudiants en LLSH [Lettres Langues Sciences Humaines].

mercredi 24 février 2010

Les méfaits annoncés de la LRU (12)

« Eric Raoult, député (UMP) de la Seine-Saint-Denis, a estimé, mardi, que la polémique contre Ali Soumaré était "une redoutable erreur". Le maire du Raincy s'en est pris à la candidate UMP à la présidence de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, qui mène, selon lui, "une campagne amateur". "Il n'y a pas de patronne, on a déjà perdu", s'est-il emporté. » (d'après Le Monde du 25/02)

Une réforme universitaire d'amateur : « il n'y a pas de patronne, on a et on est complètement perdu ». Eric Raoult se réveille un peu tard !

les méfaits annoncés de la LRU (11) : évaluation.


Lettre ouverte de Sophie Roux, MCF en philosophie (Grenoble II), à propos de l’AERES (21 février 2010)

Grenoble, le 08 février 2010

Cher Denis, chère Loredana, chers collègues, chers doctorants,

Je ne serai pas là le jour de la visite du groupe d’experts mandatés par l’AERES [.
J’aurais pu prétexter une maladie, accomplir une mission dans quelque obscur fonds ancien, ou encore ne pas écrire cette lettre. Mais il me semble que notre statut de fonctionnaire nous garantit le droit de dire ce que nous pensons, et je crois de mon devoir d’intellectuelle d’essayer de rendre raison de quelques-uns au moins de mes actes. Vous me pardonnerez donc l’explication qui va suivre.

Il va sans dire que je n’ai rien contre l’évaluation. Les critiques que des collègues m’ont adressées concernant non seulement mes travaux, mais plus fondamentalement mes pratiques, ont toujours été d’importance pour moi. Je peux dès lors très bien concevoir qu’un regard extérieur du même genre, mutatis mutandis, permette d’améliorer ce qu’on appelle la vie d’une équipe de recherche. On pourrait par exemple imaginer une évaluation écrite réalisée à partir du dossier général que nous avons rendu et de quelques publications que nous tiendrions pour exemplaires, suivie d’une rencontre limitée à quelques questions identiques pour toutes les visites, qui concerneraient le fonctionnement des équipes.

Je suis cependant convaincue que l’AERES ne prend pas du tout le chemin qui permettrait cette amélioration de la vie des équipes, et je suis donc politiquement opposée à cette institution nouvelle. Il me semble plus précisément qu’elle est susceptible d’être critiquée à divers égards :

• Dans son organisation. Contrairement à d’autres instances d’évaluation (le CNU, l’ancien CNE par exemple), les comités de visite ne sont pas constitués selon des principes clairs pour représenter les communautés scientifiques ; ils sont ad hoc, ce qui permet assurément une adéquation à chaque équipe, mais interdit toute forme de stabilité d’une visite à l’autre, alors que cette dernière semble une des recettes les plus sûres en matière d’évaluation collégiale [1] .

• Dans son coût. Il faut, pour évaluer une équipe aussi petite que la nôtre que se déplacent, soient nourris, logés, et défrayés huit collègues enseignants-chercheurs [2]. C’est d’ailleurs l’occasion de rappeler, ce qui ne me semble pas anodin, que les comités de visite ne comprennent pas toujours de personnels ITA ou BIATOSS. On sait pourtant que la question de l’encadrement administratif est un des problèmes lourds de l’Université française [3].

• Dans ses méthodes. Les collègues qui jouent le rôle d’experts dans ces visites sont animés des meilleures intentions du monde. Chacun sait toutefois que l’enfer est pavé de bonnes intentions. Penser qu’on peut jouer le jeu de l’évaluation managériale sans s’y laisser prendre me semble relever d’une illusion caractéristique de ceux qui, faisant l’impasse sur les rapports sociaux, acceptent de croire à la neutralité de la rationalité technocratique. Tout me semble indiquer que les experts ne sont pas maîtres de l’expertise qu’ils réalisent et des outils que cette dernière mobilise (par exemple, les listes de revues en SHS, les indicateurs bibliométriques en sciences). En un mot, ils sont en train de saborder sans le souhaiter l’évaluation par les pairs, dans ce qu’elle avait de long, de complexe et parfois de contradictoire [4].

• Dans ses éventuels effets sur les financements de la recherche, et donc sur son fonctionnement. Que les experts le veuillent ou pas, le résultat est clair : il s’agit de mettre en concurrence les équipes de recherche à l’intérieur d’un même établissement ou, pour les équipes d’une même discipline, d’un établissement à l’autre [5]. Il n’est pas besoin d’être devin pour comprendre quelles vont être les conséquences financières d’une notation en A+, A, B, C lorsque, dans le cadre de la LRU, 20% des budgets qui seront alloués à chaque université dépendront d’une « performance », d’ailleurs encore en manque de définition et d’indicateurs un peu sérieux [6].

• Dans ces dégâts humains. Là encore, quelle que soit la bienveillance des experts, ces évaluations risquent d’avoir un coût. Y a-t-il un seul d’entre nous qui n’a pas comparé, « pour voir », sa fiche individuelle à celle de son voisin ? On peut d’ailleurs se demander pourquoi l’évaluation d’équipes, de structures donc, nécessiterait que nous remplissions des fiches individuelles — je dois reconnaître avoir rapidement rempli la mienne il y a quelques mois sans réfléchir, parce qu’on ne peut pas, toujours, en tous points, réfléchir et résister. Il faudra en tout état de cause une résistance singulière des individus pour qu’ils ne s’identifient pas rapidement à la note de leur équipe : il n’est que de penser à la manière dont, déjà aujourd’hui, se développent chez certains les phantasmes de supériorité ou les complexes d’infériorité selon qu’ils appartiennent à une « grosse » équipe ou pas.

Tout ce que je viens d’avancer vaut de l’AERES en général. Il me semble de surcroît que, dans notre discipline, étant donné le petit nombre d’enseignants-chercheurs (sans parler des chercheurs, qui se dénombrent au compte-gouttes), l’évaluation des unités ressemblera inéluctablement à un jeu de chaises musicales : en simplifiant, les années paires, des membres des équipes X évalueront les équipes Y, et le contraire les années impaires. Le premier de nous deux qui rira aura une tapette.

Je n’ai aucun doute sur le fait que la visite du comité de visite se passera bien — à dire vrai, c’est aussi parce que je n’ai pas de doute là-dessus que je n’hésite pas à m’absenter ce jour-là. Nous nous connaissons depuis longtemps, évalués et évaluants. Nous déjeunerons ensemble, nous discuterons aimablement de nos projets en cours ou du dernier colloque. Peut-être même — qui sait ? — déplorerons-nous tous en chœur, les réformes actuelles et la fièvre de l’évaluation. Objectivement d’ailleurs, Philosophie, langages et cognition est dans son genre, c’est-à-dire en tenant compte de sa petite taille et du fait qu’il ne s’agit pas d’une UMR, une équipe de recherche solide et dynamique. Ses membres sont des « publiants », ils assument des responsabilités nationales et ils participent à une recherche de niveau international ; si nous nous comparons aux équipes similaires de notre discipline, nous avons de surcroît une vie collective soutenue. Il nous faudra certainement faire valoir, éternelle antienne, que nous aurions besoin de bureaux, et qu’il est souhaitable que Loredana reste rattachée à temps complet à l’équipe. Et, en un sens, c’est peut-être la conviction que tout se passera bien et de manière prévisible qui me gêne le plus : l’évaluation d’une équipe de recherche devrait se réaliser un peu moins entre soi, et prendre des formes moins conviviales.

J’ai réfléchi à ce qui pouvait motiver, sinon justifier, ma décision. Il est clair qu’elle aurait été plus difficile si j’avais été professeur, plus encore si j’avais été directrice d’une équipe de recherche comme la nôtre. La directrice d’une petite équipe de recherches a en effet plus que jamais aujourd’hui la responsabilité de naviguer à vue entre des potentats locaux et une instance de contrôle nationale, espérant jouer la bonne note que lui donnera éventuellement la seconde pour obtenir des premiers de n’être pas mise au pain sec et à l’eau. Les jeux du savoir ont été détrônés par des jeux de pouvoir, et je ne suis pas loin de penser que ces derniers sont en grande partie déterminés à l’instar de ceux qui les jouent par ce qu’on appelle maintenant « l’économie de la connaissance ».

Toutefois, défendre une certaine forme d’intégrité ou de fidélité aux convictions qui déterminent ma vie d’universitaire sont actuellement les seules responsabilités qui m’incombent. Bienheureux ceux qui peuvent se payer le luxe de prendre des décisions qui n’engagent qu’eux ! J’ai souvent parlé avec certains d’entre vous de ce que pouvait être aujourd’hui l’action politique : vous comprendrez, j’en suis sûre, que je continue aussi à essayer de faire au coup par coup un partage, que faute de mieux, je qualifierais d’éthique, entre ce que je peux faire sans renoncer à moi-même, et ce qui, au contraire, dans les circonstances actuelles, équivaudrait pour moi à une capitulation.

A très bientôt,

Sophie

P.S. Cette lettre est évidemment publique et peut être diffusée comme vous l’entendez.
Notes

[1] Pour une comparaison de l’AERES et du CNE, voir Sylvain Piron. Sur les mécanismes de l’évaluation collégiale, voir en général les travaux de Michèle Lamont ; on trouve en particulier un compte rendu de son dernier ouvrage par Claire Lemercier ici.

[2] Sur le coût de l’AERES, voir. On peut aussi tout simplement s’en rapporter aux rapports d’activité de l’AERES : son budget pour 2008 était d’environ 13 millions d’euros, dont 4 pour la rémunération des permanents, 3,5 pour les locaux, 1,7 pour le défraiement d’expertises, et 2,6 pour le remboursement de missions.

[3] Le rapport enseignant/biatoss est de 1 enseignant/2 biatoss (OCDE) et de 2 enseignants/1 biatoss (France). Le rapport biatoss/étudiant est de 1 biatoss/7,5 étudiants (OCDE) et 1 biatoss/36 étudiants (France).

[4] Les deux contributions les plus convaincantes sur ce point que j’ai pu lire et entendre sont celles de Nicolas Dodier, et de Michel Barthélémy.

[5] Que les effets de cette mise en concurrence soient déjà en train de se faire sentir me semble manifeste. L’analyse théorique du fonctionnement de l’AERES que je suis en train de faire semble partagée par une majorité de collègues. On peut donc se demander ce qui fait que, au lieu de passer à l’acte, ils se plient bien sagement au rituel des visites. Il y a bien sûr ceux qui y voient une occasion de copiner avec les puissants de ce petit monde — ils seront peut-être assez habiles pour devenir experts au prochain round. Il y a aussi que, collectivement, nous avons désormais peur de n’être pas bien classé ! C’est aussi pourquoi, me semble-t-il, le seul collectif à avoir osé refuser les visites de l’AERES est un groupe de collègues de l’EHESS, autrement dit d’une institution « hors-classe », qui peut se permettre des actions exemplaires de ce genre. Voir ici

[6] Sur l’évaluation de la performance, et l’on est tenté de dire la définition de l’évaluation par la performance, voir les deux billets de Sylvain Piron : http://evaluation.hypotheses.org/354 et http://evaluation.hypotheses.org/374. On peut aussi faire l’hypothèse que les notations de l’AERES ne seront prises en compte par personne !

Université Paris XIV

Ministère de l'Éducation nationale = Ministère des Armées

Compte-rendu de la convocation de Sabine Luciani au ministère 19 février 2010


Sabine Luciani, Vice-présidente du jury du CAPES de Lettres classiques, était convoquée par Philippe Santana, directeur adjoint de la DGRH responsable des recrutements, à la suite de la publication d’une motion votée à une très forte majorité par les membres du jury.

Elle s’est présentée accompagnée de membres des directions du SNESUP et de l’Autonome-Sup.

Monsieur Santana a transmis à Madame Luciani un message du ministère lui reprochant sa prise de position considérée par le ministère comme incompatible avec ses fonction de membre d’un jury nommée par la ministre. Il lui a déclaré qu’une nouvelle déclaration semblable de sa part serait considérée comme une demande d’être relevée de ses fonctions.
Nous nous sommes vivement élevés contre cette intimidation, soulignant que la participation à un jury de concours et notamment en qualité de vice-présidente ne consistait pas à un rôle d’exécutant du ministère mais de collègue naturellement soucieux de la qualité de la formation et du recrutement des enseignants. C’est dans cet esprit qu’il était naturel pour Sabine Luciani d’exprimer un avis argumenté sur l’organisation de ce concours, avis que nous partagions et reflétant le rejet de cette réforme par la majeure partie de la profession.
Devant la tentative de réduire au silence une vice-présidente de jury de concours, intervenant après d’autres menaces semblables en direction notamment de directeurs d’établissements, nous avons fait part de notre inquiétude face à une dérive portant atteinte aux libertés fondamentales d’opinion et d’expression.

Noël Bernard, Membre du Secrétariat National du SNESUP

mercredi 17 février 2010


Unis de la maternelle à l’université !

Il apparaît chaque jour plus clairement que le gouvernement impose aux différents services publics

(malgré le refus massif de ces projets par les personnes concernées et par presque toutes les

organisations représentatives) des transformations qui n’ont pas pour but d’améliorer le service rendu

aux citoyens et à la population, mais qui relèvent de logiques comptables et idéologiques :

Comptables, avec le non–remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite, quelle que

soit la dégradation du service public qui en résulte.

Idéologiques, car ces projets conduisent à détériorer le fonctionnement des services publics et plus

encore à accélérer l’entrée de leurs activités dans le secteur concurrentiel, en considérant comme

« naturelle » la rupture d’égalité entre citoyens qui en résultera.

De la maternelle à l’université, la même logique gouvernementale

Suppression de postes ou des RASED, « réforme » des programmes et du lycée, loi LRU, etc.

L’ampleur des chantiers ouverts par le gouvernement peut donner le tournis, mais elle dessine un

tableau très cohérent :

La disparition progressive des programmes nationaux au profit d’un vague « socle commun de

connaissances et de compétences » signifie une diversification croissante des élèves selon les

établissements qu’ils auront eu la chance ou non de fréquenter, donc selon leur milieu d’origine.

La transformation des chefs d’établissement et des présidents d’université en « chefs d’entreprise

autonomes », c’est-à-dire aux ordres du ministère de tutelle et du rectorat, mais libres de gérer

localement la pénurie de manière arbitraire, signifie la fin des libertés académiques et

l’instauration d’un mode de gouvernement managérial et autoritaire au monde de l’enseignement.

L’individualisation des carrières signifie la fin des solidarités collectives et de la collégialité dans

l’exercice des métiers de l’enseignement.

La désignation de quelques « pôles d’excellence » à tous les niveaux s’accompagnant de

l’abandon par l’État de la plupart des établissements d’enseignement et donc de très nombreux

territoires. Elle signifie que le gouvernement a choisi d’aggraver les inégalités territoriales au lieu

de chercher à les atténuer. C’est une rupture avec l’ambition et la tradition républicaines,

l’instauration pérenne de l’inéquité territoriale.

Ce projet signe l’abandon du projet républicain d’un système éducatif ouvert à tous et

cherchant à offrir à tous les mêmes chances. L’objectif est désormais de différencier le plus

possible établissements, élèves et enseignants et pour pouvoir les mettre en concurrence. C’est

une logique destructrice.

La réforme de la formation et du recrutement des enseignants : arme de

destruction massive contre l’Education Nationale et l’Enseignement Supérieur

Destruction de la qualité de l’enseignement

Dès septembre 2010, les établissements primaires et secondaires vont accueillir 15 000 lauréats

des concours sans formation professionnelle ! Ils seront secondés pendant quelques semaines par

un tuteur qui ne prendra en charge ses propres classes qu’à la Toussaint, après avoir été remplacé

par un étudiant ! Au 2e semestre, les nouveaux enseignants auront une formation accélérée de

quelques semaines pendant laquelle ils seront remplacés par des étudiants de 2e année de master

admissibles au concours, ainsi placés en pleine responsabilité, sans préparation sérieuse !

Ce scandale ne s’arrêtera pas avec la rentrée 2011, car les lauréats des futurs concours auront

navigué pendant leur master entre stages, épreuves, cours, formation pédagogique théorique,

travail de recherche, certification en langue et en informatique ! Le niveau d’exigence disciplinaire

dans les concours sera diminué au profit d’une épreuve de soumission à la hiérarchie (« agir en

fonctionnaire de l’État éthique et responsable ») et la formation pédagogique sera réduite à

quelques cours théoriques et à des stages bouche-trou.

On n’ose imaginer la situation des établissements qui devront accueillir des générations de jeunes

enseignants désemparés car privés de formation. Comment former des équipes pédagogiques

soudées et efficaces dans ces conditions ? Or ce sont 7 000 classes du primaire et plus d’un million

et demi d’élèves du secondaire qui seront directement touchés dès la rentrée 2010 !

La « revalorisation » tant espérée, et présentée par certains comme une contrepartie acceptable de

la « mastérisation », se bornera à 200 euros mensuels la première année d’exercice et à quelques

dizaines les suivantes, ce qui sera loin de compenser la perte des 1 300 euros mensuels (et des

cotisations retraite) de l’année de stage rémunérée qui est purement et simplement supprimée. En

outre, le système de mutation, déjà mis à mal, sera sans doute bloqué par l’afflux de jeunes

collègues sans expérience si les rectorats les placent sur des postes réputés moins difficiles.

Destruction de la fonction publique d’État

L’enjeu de cette « réforme » est d’abord financier : la Commission des Finances de l’Assemblée

nationale a reconnu que la « masterisation » permettrait d’économiser 16 000 postes en 2010.

Mais il s’agit aussi de faire sortir les futurs enseignants de la fonction publique.

La réforme des masters servira à doter chaque enseignant d’un « portefeuille de compétences »

afin d’individualiser sa carrière et sa rémunération.

Le fait que les étudiants non reçus au concours puissent valider un « master enseignement » dotera

les rectorats et les chefs d’établissement d’un vivier dans lequel il pourront puiser des enseignants

réputés qualifiés pour accélérer le remplacement des enseignants titulaires par des vacataires et des

contractuels, y compris des CDI de rang A.

Le fait d’insérer la préparation au concours d’enseignement au sein de la préparation d’un diplôme

(Master) permettra donc à terme de mettre fin aux concours nationaux ou académiques pour

généraliser les recrutements individuels en CDD ou en CDI par les chefs d’établissements.

Comme à France Telecom, les fonctionnaires formeront dans l’Éducation (ex-)Nationale un corps

promis à extinction.

C’est pourquoi, de la maternelle à l’université, nous devons tous lutter pour

obtenir le retrait de la réforme de la formation des enseignants, dite

« masterisation », et exiger le report de la session de l'automne 2010 (que les

candidats auraient un mois pour préparer) au printemps 2011 pour les concours

PE et CAPES.

Sauvons l’Université !, 17 février 2010