lundi 29 juin 2009

« Un peu de baume au cœur...


... à ceux qui ont vécu avec amertume (sic) l'échec (re-sic) du mouvement des enseignants-chercheurs »


30 juin 2009 Le livre du jour Vincennes, l'utopie pédagogique


C'ÉTAIT au temps où Vincennes rêvait. C'était au temps où Edgar Faure, ministre de l'éducation d'un gouvernement gaulliste qui souhaitait éloigner la contestation étudiante du coeur de Paris, permettait, dans la foulée de Mai 68, l'ouverture d'une université expérimentale dans le bois de Vincennes. C'était au temps où le critique d'art Jean Clair faisait l'éloge de la peinture murale d'étudiants révolutionnaires. Le savoir était alors un pouvoir et les salles de cours un fumoir. Au département de philosophie, Alain Badiou et Jacques Rancière tiraient les leçons d'Althusser, non loin d'un stupéfiant souk alimentaire. Côté département scientifique, Denis Guedj et ses amis introduisaient aux maths comme aux luttes modernes, et la sulfureuse filière de sexologie faisait jaser nombre d'observateurs.

Fac-similés et documents d'archives, photographies et textes de souvenirs à l'appui, le journaliste et professeur associé à Paris-VIII Jean-Michel Djian a composé Vincennes. Une aventure de la pensée critique, un ouvrage dont la forme inventive reflète le fond d'une forte idée éducative. Créé en janvier 1969, le Centre universitaire expérimental de Vincennes, dit aussi université Paris-VIII, inaugurait en effet une utopie pédagogique. Car cette " Forêt pensante ", comme le dit l'écrivaine Hélène Cixous, infatigable cheville ouvrière du projet, fut avant tout un idéal d'émancipation par l'éducation. Pluridisciplinarité, absence de distinction entre cours magistraux et travaux dirigés, égalité de services entre enseignants, inscription des non-bacheliers et accueil des étudiants étrangers furent les innovations majeures de cet hétéroclite aréopage de précurseurs. Révérés ou perçus comme d'inoffensifs " penseurs garantis par l'Etat ", comme on disait en ce temps-là, Foucault, Barthes, Châtelet, Deleuze, Lyotard, Serres, Chomsky ou Marcuse étaient les grands noms de l'équipe pédagogique d'une expérience certes problématique, mais unique.

A ceux qui ont vécu avec amertume l'échec du mouvement des enseignants-chercheurs de 2009, cet ouvrage anniversaire mettra peut-être un peu de baume au coeur. Car en ressort l'idée que l'université n'est pas qu'un flux d'étudiants à orienter, ni un flot de départements à évaluer. Mais aussi une certaine idée de l'universalité et d'un savoir autonome à partager. Si Vincennes a " fait son temps ", comme le reconnaît dans sa préface Pascal Binczak, l'actuel président de Paris-VIII, il reste selon lui à inventer d'autres manières d'enseigner, loin des seuls objectifs de la rentabilité.


Nicolas Truong © Le Monde

Vincennes. Une aventure de la pensée critique Jean-Michel Djian Flammarion, 190 p., 45 ¤



Commentaire : Ben, si c'est Le Monde qui le dit... que c'est un échec... et qu'Edgar Faure va nous mettre du baume au cœur...

En tout cas, Le Monde est-il innocent dans cet « échec » ? Prépare-t-il d'autres « baumes » ? Va-t-il prendre encore une fois

le train en marche, si le train se remet en marche ? A suivre...

 Au fait, Foucault, Barthes, Châtelet, Deleuze, Lyotard, Serres, Chomsky ou Marcuse : combien de points pour l'AERES ?

On peut d'ailleurs se demander si c'était aussi bien « chauffé » ou « éclairé » que cela dans cette « forêt pensante » ! Gageons que non...

Démocratie & Université ?

Khadijah Williams © LA Times  
Etre admis à Harvard, l'université la plus prestigieuse du monde n'est déjà pas chose facile. Mais l'être quand on vit avec une mère sans domicile fixe depuis plusieurs années relève de l'exploit. Une prouesse accomplie par Khadijah Williams, une jeune fille noire de 18 ans qui a fréquenté 12 établissements scolaires en 12 ans au gré des déménagements de sa mère, entre motels et abris pour sans domicile fixe.
Elle avait généralement pour compagnie des sans domiciles fixes, des sacs d'ordure, des dealers, des prostituées...Dans cet environnement, elle se faisait souvent chambrer par ceux qui trouvaient risibles le fait qu'elle veuille aller à l'université.
Ses potentialités sont apparues à l'âge de 9 ans lorsqu'elle a passé un examen d'Etat où elle a obtenu d'excellents résultats (dans le top 1% des candidats). Elle a toujours eu d'excellents résultats par la suite, bien qu'elle n'ait que très rarement suivi l'ensemble de l'année scolaire dans ses différentes classes de lycée.
A la Jefferson High school, le dernier lycée qu'elle a fréquenté, elle faisait l'aller-retour d'un refuge pour sans abri au lycée, ce qui signifiait partir à 4 heures du matin pour revenir à 11 heures du soir. Sa candidature a été acceptée dans plus de 20 universités parmi lesquelles Brown, Columbia et Harvard.
Dans les derniers mois sa sa scolarité, elle a été hébergée par un couple membre de l'association "South Central Scholars", qui l'a aidée à préparer ses dossiers d'admission et à rédiger ses essais (South Central Scholars est un programme financé par Merril Lynch qui fournit des bourses et du mentoring à des étudiants à haut potentiel des quartiers pauvres de Los Angeles NDLR). Selon Julie Hilden du comité d'admission de Harvard qui avait rencontré Khadijah pour savoir si elle devait être acceptée ou non, il était clair dès le début qu'elle était une excellente candidate :
"Je l'ai fortement recommandé en disant : si vous ne la prenez pas, vous pourriez manquer la prochaine Michelle Obama. Ne faites pas cette erreur". Pendant l'été, elle suivra un programme préparatoire à l'université de Cornelle, et l'université devrait lui trouver une famille d'accueil pour qu'elle soit dans les meilleures conditions d'étude.


Commentaire :
L'exception à la règle ou la règle de l'exception ?...

dimanche 28 juin 2009

« À force de vouloir embrigader les activités de l’esprit, les « adapter » et les contrôler... »



Le principe d’Université    vendredi, 26 juin 2009 / Plinio Prado


LE PRINCIPE D’UNIVERSITÉ Comme droit inconditionnel à la critique Le « principe d’Université » est le principe qui fonde l’Université comme lieu de l’exercice inconditionnel, libre et public de la pensée. Ce que veut dire autonomia, en son sens originaire fondamental : que l’esprit se donne à lui-même sa propre loi (nomos). Toute l’histoire de l’Université, depuis l’invention de l’« universitas des professeurs et des étudiants » à la fin du XIe siècle, jusqu’à ses refondations et réflexions critiques modernes (de Humboldt à Dutschke, de Newman et Peirce à Faust, de Durkheim à Derrida), suppose et affirme ce principe. C’est à cette condition — inconditionnelle — que l’Université est possible. Or c’est exactement de cela que les gestionnaires de l’État français aujourd’hui ne veulent rien savoir. L’offensive de leurs « réformes » et le sens de celles-ci (strictement au service des directives du libéralisme mondial acclimaté aux manières françaises les plus réactives) montrent qu’ils entendent bien venir à bout de ce lieu — l’Université — où le savoir se réfléchit, où la société se pense et l’avenir se forge.


Cette « rupture » est même « la priorité absolue du quinquennat », comme le répètent obstinément président et ministres. La rhétorique est agressive, belliciste ; le procédé autoritaire et brutal. L’Université est décidemment la dernière citadelle à conquérir et à soumettre à tout prix.


Pour cela il leur suffit de pervertir le principe d’Université, le sens de l’autonomia. Ce à quoi les nouveaux dirigeants se sont attelés dans l’euphorie financière et politique, dès le lendemain des élections présidentielles, en s’empressant de faire édicter pendant l’été la loi sur ladite « autonomie » des universités (LRU). Où l’on voit les gestionnaires de l’État, qui par définition doivent être au service des universitaires et de leur vocation à chercher et à apprendre, s’employer plutôt à transformer ceux-ci en leurs subordonnés. Leur imposant mieux ainsi des sujétions extérieures : politiques, administratives et, par-dessus tout, financières (le credo du retour sur investissement).


Mais voici que leur mépris pour l’Université trahit leur méprise effarante du travail qui s’y déploie, le travail de l’esprit : car à force de vouloir embrigader les activités de l’esprit, les « adapter » et les contrôler pour les exploiter à plein rendement (tout en neutralisant leur potentiel critique), on finirait par les entraver, les stériliser et finalement les tuer. Nos experts promoteurs détruiraient ce qu’ils disent vouloir développer. Ils entraîneraient ainsi l’Université, l’enseignement et la recherche avec eux dans leur perte, et ce serait l’heure de la débandade des cerveaux.


A l’Université, à la différence des sujets dirigés par un chef du personnel, les universitaires sont par principe appelés à exercer l’autonomia de la pensée, l’indépendance de la critique. On a le droit et même le devoir d’examiner toute prétention discursive au vrai ou au juste, d’interroger chaque évidence généralement admise et de tout juger par soi-même — y compris le ministère de tutelle, le gouvernement, sa doctrine, ses lois et ses procédés. Qui serait assez insensé aujourd’hui, dans le monde comme il va, pour vouloir se passer de ce lieu où l’on s’attache par excellence à chercher la vérité (qu’elles qu’en puissent être les conséquences) et à inventer des fins, à élaborer l’avenir ? Ce serait ouvrir la porte à une nouvelle sorte de barbarie au comble du développement technoscientifique sur fond de libéralisme mondial. On peut prévoir dès maintenant l’ampleur du désastre.


Et pourtant, face à l’autoritarisme opiniâtre des nouveaux décideurs, il ne suffit pas d’avoir raison. Murés dans un discours doctrinaire, auto-validant par définition, ils se sont installés d’emblée sur le terrain des rapports de force, où règne la violence, à l’écart de toute discussion. La réforme pour « rendre l’université attractive » opère plutôt par ruse et menace et a besoin d’un bras armé pour « convaincre ». Que faire d’autre alors, sinon les combattre aussi par l’action, dans la pratique ? Tout en élaborant en même temps le projet d’une Université qui, à l’aune des défis du XXIe siècle, soit digne de ce nom.


Nous sommes bien devant un vaste chantier, mais la ligne générale à suivre est claire : elle est double, inscrite dans le principe même d’Université. Le principe d’Université est un principe de résistance à toute forme de sujétion. Et partant, à l’occasion, un principe de désobéissance. Celui-ci pose que face à l’injustice notoire d’une loi, nous avons le droit et le devoir de la désobéir (et une loi qui, pour entrer en vigueur, a besoin de se dérober à la vraie discussion, atteste par là même son caractère foncièrement injuste). Mais le principe d’Université est simultanément le point de départ et le fil conducteur de toute élaboration de l’« Université des professeurs et des étudiants » à venir.


Il situe l’essence de l’Université dans cette région où investigation et enseignement fondamentaux sont indissociables, non-finalisés, infonctionnels, non-utilitaires — région qui constitue très précisément la cible centrale des attaques actuelles, lesquelles, ce faisant, portent atteinte frontale à tous les champs qui ont directement trait à la question de l’humain, de sa signification et de ses fins : Humanités modernes, arts, littérature, philosophie, droit, sciences humaines critiques. On comprendra dès lors que ces Humanités, plus à la hauteur des défis contemporains que la petite idéologie managériale de nos cadres dirigeants, aient un rôle fondamental à jouer dans l’Université contemporaine et à venir. Celle où le temps de l’exercice libre et public de la pensée, de la recherche et de l’enseignement, doit être reconnu comme absolument inviolable, protégé et encouragé. C’est la condition pour que l’Université puisse être, conformément à son principe, le lieu où, dans le monde contemporain, une chance est encore donnée à des hommes et à des femmes d’élaborer ce qu’ils doivent être.


Les présentes remarques sont disposées en paragraphes numérotés, groupés en cinq points :


Point un : L’INDEPENDANCE INCONDITIONNELLE. Où l’on situe et affirme le principe d’Université et rappelle le sens fondamental de l’autonomie.


Point deux : L’EXERCICE LIBRE ET PUBLIC DE LA PENSEE. Où l’on montre que le principe d’Université suppose et appelle un principe de Publicité, dont il est inséparable.


Point trois : L’AGITATION CRITIQUE COMME RESPONSABILITE ENVERS L’AVENIR. Où l’on poursuit l’argument (avancé par la présidente de l’université de Harvard) de la nature fondamentalement indisciplinée de la culture universitaire, pierre angulaire de toute Université à venir.


Point quatre : SE DONNER LE TEMPS DE DESAPPRENDRE. Où l’on définit l’essence et le noyau historique de l’Université : l’enseignement et la recherche inextricablement liés, fondamentaux et non-utilitaires ; ce qu’accomplissent exemplairement les Humanités modernes.


Point cinq : LE PRINCIPE D’UNIVERSITE EST UN PRINCIPE DE RESISTANCE. Où, face aux attaques actuelles, on esquisse une double ligne générale de résistance, inscrite dans le principe même d’Université : la désobéissance civile et la réinvention de l’Université à venir.


Présentation d’un livre qui paraîtra en septembre aux éditions Lignes et dont une première version est déjà téléchargeable sur le site du même éditeur. On peut lire l’ensemble du texte en pdf. La revue des ressources http://www.larevuedesressources.org/spip.php?article1237


Esquisse de commentaire :
Ce beau texte dense esquisse plutôt un programme, un projet pour l'avenir, comme il le souligne lui-même :  « le principe d’Université est simultanément le point de départ et le fil conducteur de toute élaboration de l’“ Université des professeurs et des étudiants ” à venir ». Car on peut sérieusement se demander — à partir de souvenirs des cours reçus ou subis en fac ; à partir des pratiques individuelles ou collectives observées dans leurs mises en œuvre en tant qu'acteurs présents du système — si « le droit », et « même le devoir » « d’examiner toute prétention discursive au vrai ou au juste, d’interroger chaque évidence généralement admise et de tout juger par soi-même » président réellement, sinon à la conception, du moins aux pratiques de la transmission du savoir... Ce droit, et même ce devoir, sont-ils envisageables dès les premières années de toutes les disciplines ? Ou faudrait-il rendre obligatoire en médecine, pharmacie, technologie, sciences, etc. un enseignement de sciences sociales, philosophie, arts et lettres... dans un véritable esprit d'« université » critique du savoir ? Que peut signifier cette expression d'« université des professeurs et de étudiants » dans un enseignement massifié et qui va plus que jamais devoir gérer la pénurie (sens, en effet, de l'« autonomie » de la LRU) ? En ce qui concerne l'impact du « principe d'université » sur la formation des enseignants du secondaire, il faudrait sans doute y réfléchir à partir des critiques, reproduites dans notre message précédent, que Max Dorrafaisait de l'école des premières décennies du XXIe siècle, avant la grande (et véritable) rupture : « Le but d'un projet éducatif qu'on ne peut ici qu'esquisser était que l'école ne soit plus une machine à déprimer, mais qu'on y trouve au contraire les concepts et les mots qui permettent de résister à la violence symbolique, à la manipulation. // Bref se libérer d'une angoisse en en démontant le mécanisme. » Le moins qu'on puisse dire c'est que l'université actuelle est encore très éloignée de la conception même de ce projet éducatif rêvé dans ces dernières phrases pour l'école ! Et l'on peut même se demander si l'échec relatif du mouvement universitaire, comme l'échec absolu de ceux qui espéraient qu'étudiants et enseignants se mobiliseraient en masse pour débloquer les facs bloquées, ne viendraient pas précisément du fait que celles-ci, loin de vivre du « principe d'université », et encore plus loin de le faire vivre dans la société, ne sont plus désormais, comme de nombreuses écoles, que des « machines à déprimer » engendrant l'« angoisse »... Quant aux principes de résistance ou de désobéissance, trop de secteurs de l'université, trop de dirigeants, de présidents, de vice-présidents, de directeurs d'UFR, de chargés de mission, etc. ne sont déjà plus depuis belle lurette, du fait même de leurs tâches administratives et de leurs décharges de cours, dans le « ET » de « l'Université des professeurs ET des étudiants » qu'on peut rester pessimiste sur l'efficacité d'un tel appel... Mais, tentons d'abord de libérer nos consciences....




samedi 27 juin 2009

« Tout y était évalué, classé et classant, ce qui résumait le sens même, pauvre à pleurer, de ce montage délirant... »


A la manière de Georges ORWELL
Un article paru dans Le Monde, à méditer et reméditer :

28 juin 2009  Contre la cécité volontaire
L'idéologie dominante est un montage subtil, insidieux mais délirant. Il est possible de démonter les mécanismes de ce mauvais film. Pour mieux en sortir

En ce temps-là - premières décennies du XXIe siècle -, l'absurdité le disputait à la barbarie. En France, dans les écoles, les classes de plus de trente élèves rendaient l'enseignement quasi impossible, sauf pour quelques privilégiés. Les ouvriers vivaient sept ans de moins que les cadres, et lorsqu'une canicule un été survint, 15 000 vieux, parmi les plus pauvres, moururent parce que personne n'était là pour leur donner à boire ; cela fut vite oublié.

Peu de jours se passaient sans que l'on annonçât un suicide parmi les détenus (et parfois même leurs surveillants) dans les prisons surchargées. Les hôpitaux gérés comme des entreprises, et se devant d'être " rentables ", étaient l'objet d'évaluations, de classements, dont l'effet pervers ne se faisait pas attendre : les " meilleurs " services étaient ceux où la durée de séjour était le plus courte, ce qui incitait à une sélection des patients.

A la même époque, les Africains vivaient trente ans de moins que les Européens, 200 millions d'enfants sur la planète travaillaient comme des esclaves, 6 millions d'entre eux mourant chaque année de dénutrition. De tout cela, bien des citoyens certes s'indignaient mais la plupart, comme atteints de cécité volontaire, préféraient - tels les biologistes soviétiques qui jadis avaient nié les données de la génétique - vivre dans la méconnaissance de faits qui auraient pu les déranger.

Concernant le " déni de réalité ", il est de nos jours, on le sait, un sujet souvent posé au bac : " commentez les phrases historiques prononcées par la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, Christine Lagarde, le 10 juillet 2007 à l'Assemblée nationale : "Entre l'égalité de tous sur la ligne de départ et les performances de chacun à l'arrivée, le travail fait de l'individu le seul responsable de son propre parcours (...). Cessons d'opposer les riches et les pauvres (...). La lutte des classes, cette idée n'est plus d'aucune utilité pour comprendre notre société." "

La population vivait ainsi dans une sorte d'anesthésie entretenue par les quatre heures quotidiennes que chacun consacrait aux grands médias. A la télévision notamment, " l'arme absolue " disait Georges Pompidou. Elle était partout, offrant - et pas seulement aux esseulés - un groupe imaginaire, une famille à laquelle on appartiendrait à condition d'en respecter les règles, le ton. Sur les plateaux, un sourire permanent était de rigueur, le temps de parole était bref, impliquant une simplification appauvrissante des sujets les plus complexes.

Une débilité lisse en somme, la plupart du temps, qui pouvait entraîner à la longue, on le découvrit après une enquête médicale, un risque accru d'apparition d'une maladie d'Alzheimer. Dans ces médias, les informations essentielles étaient rendues quasi imperceptibles parce qu'elles étaient précédées par un fait divers bouleversant et suivies par des résultats sportifs, d'autant plus excitants que partout régnait l'idéologie du " gagneur ".

Ce dont la personnalisation du politique était d'ailleurs imprégnée. Le visage, la mimique des présentateurs parachevaient le détournement d'attention indispensable à ce numéro d'escamotage. Un procédé assez proche de ce qu'Eisenstein nomme " un montage pathétique ". Et c'est bien dans une sorte de montage que chacun était ainsi enfermé, où les affects jouaient, entre les plans, le rôle de joints, de raccords innombrables et inapparents.

Autant de serrures assurant la séquestration dans un piège où même les plus avertis se laissaient prendre. Car l'idéologie dominante est un montage subtil, insidieux, à la fois objectif et producteur de subjectivité. Une prison sans paroi visible qui se donne pour indépassable. Or, de cela, certains avaient si peu conscience que l'on parlait à l'époque de " fin de l'histoire ", alors qu'on n'était pas encore sorti de la préhistoire. Les conservateurs traitaient donc les progressistes d'idéalistes, de rêveurs, voire d'utopistes dangereux, puisque bien des révolutions avaient jusqu'ici dramatiquement échoué. Pour se délivrer de ce boulet qu'ils traînaient depuis près d'un siècle - le stalinisme, le maoïsme -, les responsables de la gauche se décidèrent à en faire une analyse diagnostique de fond pour que jamais plus ne se renouvellent ces dérapages meurtriers.

La difficulté était que les partis progressistes, auxquels le suffrage universel aurait dû, étant donné la réalité sociale, apporter de légitimes victoires, étaient stupidement divisés. Une certaine vision du monde, pourtant, un discours clair, auraient pu les réunir au-delà de leurs querelles stériles. Celle, par exemple, entre " révolutionnaires " et " réformistes ", le premier de ces vocables, appelant immanquablement l'image de désordres sanglants, bien sûr terrifiait, tandis que le second, synonyme de mollesse, voire de trahison, suscitait volontiers le mépris.

La réalité était en fait que tout changement véritable est radical, et que cette radicalité ne suppose nullement la violence mais exige à coup sûr une conviction forte, rigoureusement argumentée. Donc mobilisatrice. Obtenus ainsi grâce à un vigoureux mouvement social, les acquis du Front populaire en 1936, la Sécurité sociale en 1945, avaient apporté un réel changement de la vie même, qui aurait pu n'être qu'une première étape.

La sortie de ce mauvais film dans lequel on était malgré soi incarcéré avait commencé lorsque, la gauche étant redevenue de gauche, pugnace et imaginative à la fois, les pauvres avaient cessé de voter à droite - ou de s'abstenir. Marx, posthume Prix Nobel d'économie en 2012, avait eu raison en ce qui concerne le capitalisme et ses crises : on ne moralise pas une logique, celle des vautours. Il avait sans doute eu tort en revanche quand, évoquant avant tout le rôle des infrastructures économiques, il semblait sous-estimer la force des mots (et par exemple des siens propres...).

Agnès Guillemot, la monteuse de Godard, lorsqu'on l'appelait au secours d'un film abîmé par un montage médiocre et qu'elle cherchait à retrouver un sens perdu, visionnait soigneusement tous les rushes, et récupérait même parfois ceux qui avaient semblé inutiles. Le travail du rêve, de même, invente des agencements inédits à partir de possibles avant lui inaperçus. On découvrit ainsi que le cauchemar vécu par les humains jusque dans les premières décennies du XXIe siècle était dû à une maladie non encore diagnostiquée.

La maladie de la valeur vénale qui à partir de marchandises devenues folles avait contaminé les humains, envahissant leurs pensées, leurs désirs et jusqu'à l'image qu'ils avaient d'eux-mêmes, dans un univers triché, insolemment inégalitaire, exclusivement voué au profit et régi par l'argent. Tout y était évalué, classé et classant, ce qui résumait le sens même, pauvre à pleurer, de ce montage délirant. On n'a pas bien compris à vrai dire, rétrospectivement, comment cette abomination avait pu prendre fin. La seule chose dont on soit sûr, c'est que l'éducation et les médias devinrent l'objectif résolument prioritaire. Le but d'un projet éducatif qu'on ne peut ici qu'esquisser était que l'école ne soit plus une machine à déprimer, mais qu'on y trouve au contraire les concepts et les mots qui permettent de résister à la violence symbolique, à la manipulation.

Bref, de se libérer d'une angoisse en en démontant le mécanisme. On convint également d'enseigner l'histoire des innovations scientifiques et artistiques, chacune illustrant à sa manière le courage requis lorsque, minoritaire, on s'oppose à la pensée d'un groupe. Quant aux médias, leurs rythmes, leurs montages illusionnistes finement analysés par le cinéaste anglais Peter Watkins, il fut décidé de n'en laisser passer aucun plan, aucun raccord. Les informations, si souvent erronées mais enrobées dans un jargon intimidant, assénées avec aplomb par des " experts " conservateurs, devaient être soumises au crible d'une analyse serrée par les journalistes eux-mêmes, ce à quoi certains " observatoires des médias " avaient déjà ouvert la voie.

Ce détricotage patient, sans doute fut-il essentiel pour contrecarrer la fabrication de l'opinion par les médias, médias dont il fut unanimement convenu - pour en finir avec l'autocensure apeurée - de défendre, bec et ongles, l'indépendance à l'égard de tout pouvoir, financier ou politique. C'est alors seulement que reprit un sens le passage dans des isoloirs : il ne s'agirait plus désormais de cautionner par un vote apparemment libre des idées imposées au fil d'un formatage entretenu pendant des années.

Tout le monde, et notamment les intellectuels, avait participé à ce travail obscur, obstiné, inflexible, de déverrouillage de la pensée. L'indispensable préliminaire.

Max Dorra Ecrivain et professeur de médecine. Auteur d'essais et de fictions, a reçu en 2001 le prix Psyché pour son livre " Heidegger, Primo Levi et le séquoia. La double inconscience " (Gallimard). Ses derniers ouvrages, " La Syncope de Champollion, entre les images et les mots " et " Quelle petite phrase bouleversante au coeur d'un être ? ", sont parus chez Gallimard respectivement en 2003 et 2005
© Le Monde

vendredi 26 juin 2009

Le ciel et la terre (suite)



Cliquez sur la photo pour mieux lire le message des cieux...

Entre le ciel et la terre...

... cependant, il y a les fameuses ruelles japonaises, les roji 路地, dont on ne se lasse pas de rêver. Qu'on ne se lasse pas de photographier. Qui font l'objet au Japon même de livres entiers de photographies... comme celles que nous transmet notre correspondant à Tôkyô, GMDLM. Merci à lui ! (Ce serait un beau sujet de mémoire géo-socio-politico-poétique : « les ruelles entre modernité et traditions » Ou, plus fun ?, « Entre l'idéal et la réalité : l'université de ruelles » [Cf. message précédent ] ?!)




Ciel et terre...



On pourra par exemple diviser en deux la belle photo prise par JBM sur l'« investissement » de l'université du Mirail par la police :






On remarquera la beauté picturale de ce ciel de début juin !



N'est-ce pas aussi beau que certains ciels de Venise peints par Guardi ?...


...par exemple... Qui dit mieux ?

   Mais revenons à la photo. Commentons ces deux parties de photo par les deux parties d'un de ces graffitis odieux que le regroupement professoral local « Université & Démocratie » voudrait voir disparaître, tout en déplorant par avance le coût induit par cette karcherisation (Cf. Communiqué du 22 juin 2009 sur le site officiel de l'UTM, rubrique « Expression libre », sous le titre « Pour un affichage transparent du coût du blocage ») :




« Libère d'abord ta conscience...


... ....Alors tu pourras libérer ta Fac »

   Je ne sais pourquoi, mais tout cela me fait penser à un autre tableau dont l'original est au Vatican et une reproduction devant les députés de notre Assemblée Nationale (sauf quand elle s'en va à Versailles...). En voici  — souvenons-nous — le centre :


   Eh, oui, c'est toujours la même chose : aller de la terre à l'idéal, ou de l'idéal à la terre ! On aurait pu penser, cependant, que, comme dans l'esprit du peintre de la Renaissance, l'université est le lieu par excellence qui réunit les deux... Hélas ! nous sommes  loin d'une Renaissance !



mardi 23 juin 2009

Triste mois de Juin !











Sur le mur, derrière, le graffiti principal dit : 

« Libère d'abord ta conscience
Alors tu pourras libérer ta Fac »



Photos communiquées par JBM, tous droits réservés

Joli mois de Mai !
























Photos communiquées par JBM, tous droits réservés.


lundi 22 juin 2009

Valérie Pécresse mise à nue : notre entretien exclusif

Le site satirique francophone de bon goût dont toutes les informations sont fausses
03-06-2009  correspondance du Microcosme
Valérie Pécresse mise à nue : notre entretien exclusif

Après son interview donnée à notre confrère Le Monde du 2 juin, Valérie Pécresse, prise d'une soudaine envie de sincérité, se lâche. La bientôt ex-ministre de l'enseignement dit supérieur, lequel reste à son sens toutefois très inférieur à l'ENA dont elle est issue - faudrait pas complètement tout mélanger non plus - concède être naïve et maladroite et ne rien comprendre à "ces gauchistes d'universitaires". Elle se dit prête à dialoguer "à la condition que ces sous diplômés soient d'accord avec moi". Elle assure aussi que "le niveau des cours étant ce qu'il est à l'université, le rattrapage de 3 ans de cours en 5 semaines est un objectif réaliste".

Désinformations : Quelles sont vos erreurs les plus grotesques dans votre incapacité technocratique à réformer l'université ?

V Pécresse : Il y en a tant eu. Je m'y connais très peu en révolution trotskyste. Je sais beaucoup mieux licencier à l'amiable des ouvriers désespérés. A l'université, tout le monde est mobilisé contre moi : les étudiants, les profs, les parents, le ministère, les pompiers, ma gardienne d'immeuble, mes boulangères (j'ai dû en changer plusieurs fois, elles refusaient de me servir alors que leurs gamins vont rarement au-delà du BEP, non mais de quoi j'me mêle)... Je n'aurais peut-être pas dû dire que je voulais diviser par deux les effectifs de la Poste...

Désinformations : Vous voulez dire de l'université ?

V Pécresse : non, non, de la Poste... je pense sincèrement qu'il y a trop de postiers.

Désinformations : Mais ce n'est pas le sujet...

V Pécresse : Et alors ? Vous croyez que MAM la Basque me demande mon avis quand elle fait charger les étudiants ? Alors évidemment, avec des réactions comme la vôtre, il a fallu changer de discours. C'est pourquoi j'ai annoncé le licenciement de 300.000 enseignants d'ici 2010. Un peu de stimulus cruel ne peut pas faire de mal à un corps enseignant démobilisé.

Désinformations : Comment ce joyeux vent réformiste a-t-il été accueilli ?

V Pécresse : Au début, très bien. La dévalorisation du métier d'enseignant, leurs salaires pathétiques et la vétusté des locaux suscitent une forte défiance structurelle entre disciplines et entre enseignants. Chacun espérait que seuls les autres morfleraient grave (oui, j'ai grappillé quelques expressions ici et là au contact des d'jeunz). Et puis peu à peu, ces petit c... d'étudiants ont réalisé qu'ils allaient tous morfler...

Désinformations : Xavier Darcos vous a-t-il conseillé ?

V Pécresse : Qui ça ?

Désinformations : Non, rien...

V Pécresse : Je disais donc qu'il fallait tout détruire en même temps pour favoriser les grandes écoles. En décembre 2009, 83 universités devraient disparaître. Nous créerons alors 225 écoles privées, très privées. Mon époux travaille aux mises aux enchères. C'est fascinant les tunes qu'on va pouvoir se faire. Il va aussi falloir revendre le CNRS aux laboratoires pharmaceutiques. C'est l'avenir. Il ne fallait surtout plus attendre pour être prêt dès la sortie de la crise financière, lorsque les liquidités reviendront sur les marchés financiers. J'ai prévu la création de grands fonds capital risque installés à Vaduz pour optimiser le gap des markets en LBO sur option d'achat différé...

Désinformations : Hem... et... vous avez fait des concessions aux trotskystes ?

V Pécresse : Nous avons pu trouver un compromis. Cela change des autres conflits universitaires où, pour rétablir le calme, on retirait tout.

Désinformations : Et donc, quel est ce compromis ?

V Pécresse : Il n'était pas question de vider le coeur de ma réforme. J'y suis très attachée et je ne pouvais laisser quelques agitateurs remettre en cause une telle opportunité. Je leur donc annoncé un plan Marshall de l'Université. Ça ne veut rien dire mais comme de toute manière ils n'avaient pas de solution alternative, ça les arrangeait. 

Désinformations : Fort bien... Pourtant on disait qu'après ce conflit, vous étiez condamnée à l'immobilisme...

V Pécresse : Je ne suis pas condamnée à l'immobilisme... je suis juste condamnée à dégager.

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Souriez, vous êtes traqué !

Adoucir la difficile situation de l'emploi des nouveaux diplômés de l'université


Chine : 120 mille diplômés de l´université seront recrutés par l´armée

Source: CCTV.com | 06-22-2009 13:53

 En Chine cette année, 120 mille nouveaux diplômés de l'université auront la possibilité de s'engager dans l'armée. C'est la première fois que les forces chinoises recrutent des soldats parmi des jeunes fraîchement diplômés.

A l'Université normale du Shandong, des officiers et soldats de la zone de garnison de Jinan distribuent des tracts expliquant les règles de recrutement, et répondent aux questions des étudiants.

Il s'agit d'une nouvelle mesure politique lancée par le gouvernement et les forces chinoises. Objectif : adoucir la difficile situation de l'emploi, et fournir des talents aux troupes pour promouvoir leur modernisation. En outre, les diplômés bénéficieront d'une série de mesures préférentielles.

Hu Shaoping, commandant

Garnison de Jinan

"Les jeunes diplômés auront la priorité pour la sélection des gradés, les promotions, l'admission à l'école militaire et le choix de spécialités."

Après être entrés dans l'armée, les jeunes diplômés recevront une indemnité pour les frais d'études qu'ils ont déboursés. La somme maximale est de 6 mille yuans par an. S'ils obtiennent une citation de deuxième classe et au-dessus, ils auront la priorité pour entamer un Master sans examen d'admission après avoir quitté l'armée.

Ye Qiying,CCTV.


Rédacteur: Zhang Yan

Commentaire : Une solution pour nos facs de lettres ? IOI ?

dimanche 21 juin 2009

Universités et grandes écoles #3

Les enseignants-chercheurs après 4 mois, ayant obtenu « de maigres résultats », des « concessions mineures » :
« Non seulement amers... déçus, mais désespérés »
Olivier Beaud, professeur de droit public à Panthéon-Assas, journal Libération, 20 juin 2009




Vidéo envoyée par liberation

Universités et grandes écoles #2

Universités et grandes écoles #2
Vidéo envoyée par liberation

Universités et grandes écoles #1

Universités et grandes écoles #1
Vidéo envoyée par liberation

vendredi 19 juin 2009

Cheval à Puigcerda




Comme quoi, il faut plus d'idée que de matériau dans la création... Comparer avec le 1 % culturel qui parsème (pour rester gentil) les places et les stations de métro d'une grande métropole d'Occitanie...

Panta rei

La même rivière coule sans arrêt, mais ce n'est jamais la même eau. De-ci, de-là, sur les surfaces tranquilles, des taches d'écume apparaissent, disparaissent, sans jamais s'attarder longtemps. Il en est de même des hommes ici-bas et de leurs habitations.

Mars 1212
Notes de ma cabane de moine (Hôjôki) par Kamo no Chômei, traduction R. P. Sauveur Candeau


On pourra préférer ça...


...mais ce n'est pas donné à tout le monde...


Saint-Cyprien © Alain Bellus 


C'est toujours la même chose...

fac du Mirail occupée par les CRS


fac du Mirail occupée par les CRS
Vidéo envoyée par rv1900

Quoi qu'on en pense, c'est très instructif... surtout les sportifs qui sont

derrière les forces de l'ordre et qui ont l'air si contents...



jeudi 18 juin 2009

Tradition et Modernité !

Toujours de notre correspondant GMDLM, cette photo d'un sanctuaire shintô tout aussi représentative que celles du BBQ (et qui préparera sans doute la recherche de G*** en master !) :








« Un BBQ industriel » !

De notre correspondant au Japon, GMDLM, ces photos du Japon et leur commentaire :



Commentaire du photographe :
« BBQ (barbecue) : Assez "bordélique" mais très organisé (très japonais, donc)... Organisé lors d'une rencontre entre étrangers et japonais. Sympathique. Encore plus quand on est un gaijin (étranger) européen. Quel succès :p »
Commentaire du photographe :
Question : « p » = « p***** » ? Mauvaise influence des pays cathares sur un pur breton ?