jeudi 4 juin 2009

La crise des facs aura-t-elle servi à quelque chose ?

À un article paru sous ce titre aujourd'hui même sur le site nouvelObs.com, educobs — Le blog de l'équipe Education du Nouvel Obs :
je n'ai pas pu m'empêcher de réagir de la manière suivante (sous mon pseudo d'Yves Madiran) :

1) En réponse à l'auteur de l'article :Vous écrivez : « on peut difficilement le nier : jamais l'université n'avait été ainsi mise au centre du débat public ». Mais grâce à qui ? Tous ces articles, y compris le vôtre, ne sont-ils pas un des grands acquis du mouvement ? Quel grand débat public, dans les assemblées élues comme dans les médias — et même plus, quel débat important à l'intérieur même des universités avait-il jamais eu lieu sur ces questions ou sur la loi LRU votée l'été en catimini ? A-t-on jamais demandé une seule fois leur avis aux intéressés, à tous les intéressés ? Une question de société si grave n'aurait-elle pas mérité un référendum ? Comme d'habitude, dans les méthodes de gestion à la française, on va finalement perdre plus de temps en réactions en aval que s'il y avait eu de sérieuses préparations et discussions en amont ! Quel exemple gestionnaire que ce gâchis de temps, d'énergie, d'argent organisé au sommet de l'Etat !

Vous écrivez : les facs « ne pourront demeurer un monde éthéré affranchi des règles de la gestion ». Mais, le seul moyen de résoudre ce dilemme entre l'"éthéré" et la gestion ne serait-il pas d'introduire plus de démocratie dans cette gestion ? Or la loi LRU est une régression inimaginable dans un système universitaire déjà assez "éthéré", en effet, pour avoir été bien peu démocratique dans sa gestion antérieure.

La question semble donc être celle de la démocratie française à tous ses niveaux, et non se réduire simplement à un problème de gestion, de financement. Elle était assez bien posée lors des dernières élections présidentielles : démocratie représentative contre démocratie participative. Les deux camps se retrouvent en présence à l'intérieur des universités. Mais, sans doute, sont plus nombreux dans les universités, et plus encore dans les universités des sciences humaines, ceux qui pensent qu'une démocratie représentative dans un système présidentiel où le pouvoir exécutif ne se discerne plus bien du législatif, ni non plus bientôt du judiciaire (sans parler des pouvoirs médiatique et cathodique) ; qu'une démocratie, donc, dans laquelle la loi débattue publiquement dans des assemblées élues compte moins que les décrets pondus dans l'ombre des cabinets ministériels par des technocrates arbitrairement nommés  ; qu'une telle démocratie, enfin, ne représente plus rien... Est-ce "éthéré" que de vouloir lutter pour plus de démocratie ? Dans l'entreprise, au gouvernement, à l'université, dans votre journal... 


Ecrit par : Yves Madiran | 04.06.2009 


2) en réponse à un lecteur :


@SOS Education. Vous dites : « Quand bien même tous les étudiants et le personnel moins un enseignant et un étudiant voteraient pour reconduire la grève, l'enseignant et l'étudiant restants devraient avoir le droit d'enseigner et d'étudier. La démocratie, ce n'est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité (A. Camus). » Malheureusement, cet argument est immédiatement réversible : « Quand bien même tous les étudiants et le personnel moins un enseignant et un étudiant voteraient pour la reprise des cours, l'enseignant et l'étudiant restants devraient avoir le droit de bloquer et de faire grève. La démocratie, ce n'est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité (A. Camus). » C'est absurde, n'est-ce pas ? Camus parle ici d'une démocratie idéale dont la démocratie française actuelle est fort éloignée. Conflits, rapports de force, intoxications, provocations, langue de bois (on appelait cela en Grèce l'école des sophistes), manipulation des médias et de l'opinion publique, bling-bling (poudre aux yeux)... puis forces de l'ordre, sont hélas notre lot quotidien. Comment, dans ces conditions, avoir une vue aussi légaliste et formel des choses ? Par ailleurs, dans ce conflit, ce qu'il faudra analyser c'est la passivité, l'évaporation de cette innombrable minorité passive devant la nombrable minorité bloquante. Où sont passés tous ces étudiants et ces enseignants non-grévistes et non-bloquants ? Ont-ils " voté avec les pieds " ? Devaient-ils de toute façon, dans le cas des étudiants, s'évaporer, comme c'est le cas à tous les seconds semestres même "normaux" ? Sont-ils si las et dégoûté de leurs études, de leurs enseignements, de leur vie à l'université pour qu'ils n'aient pas eu le ressort moral ou politique de venir faire valoir leurs droits, en effet légitimes ? Cet échec-là, est bien plus grave que celui, relatif, de ceux qui se seront investis dans le mouvement. Il est structurel et montre plus que tout l'état d'abandon, de désespérance, d'effondrement généré par tout le système. Moins d'inscrits à la rentrée, disent les autorités universitaires ? Mais qu'ont-elles fait toutes ces dernières années pour bâtir effectivement cette fac ouverte, vivante, citoyenne qu'elles veulent défendre contre les jusqu'au-boutistes ? N'est-ce pas en réalité trop tard pour ce faire ? Si les facs vivaient vraiment en dehors des seuls cours et examens, alors peut-être les blocages auraient-ils duré moins longtemps. Mais, en plus, on les a sciemment construites dans des endroits sordides, au milieu souvent de zones de non-droit où la police elle-même a du mal à s'aventurer... et à protéger la minorité universitaire en milieu périurbain lui-même abandonné...


Ecrit par : Yves Madiran | 04.06.2009


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