mercredi 27 mai 2009

...ça a l'air rudement bon...
j'ai trouvé d'autres photos par internet...
Certes, la vie reste un combat, et les ennemis sont là qui veillent, prêts à fondre sur leur proie ! Notre chatte et notre étourneau deviendront-ils amis ? Pour l'instant ils se regardent en chiens de faïence. Mais il ne faut jamais désespérer de rien. D'ailleurs, un de nos correspondants au Japon nous envoie cette photo ci-dessus, agrémentée du commentaire suivant : « "mutekiya" A Ikebukuro, en français : muteki : sans ennemi (invincible) ya : restaurant(hum). On y mange d'excellents ramen pour pas cher, et y'a un file de 30 personnes devant le restaurant. Pour les amateurs, vous admirerez les kanji... »
« Ya », ça peut être aussi « la maison, la famille, la maisonnée » = « la maison sans ennemis ». Voilà bien un rêve d'étourneau ! Espérons que notre correspondant, GMDLM, profite de ses agapes à Ikebukuro pour aller faire un tour dans le building de la librairie Junkudô (8 étages de bouquins et revues de toutes sortes...) et peaufiner ses recherches académiques...
PS : Pour "ya", le site du restaurant précise : 「無敵屋」ではなく「無敵家」です。Il s'agit bien donc de "maison"...

 

Étourneaux

Un bébé étourneau tombé de son nid a élu domicile chez nous. A grand bruit ! Grâce à internet nous avons pu le soigner et lui donner immédiatement la nourriture adéquate... et l'identifier, car au début (toujours la folie des grandeurs), nous avons cru qu'il s'agissait d'un bébé merle ! Tant pis pour les chants, mais cela m'a fait penser au passage d'un essai de MORI Ôgai qui fait l'éloge des étourneaux et que j'ai recopié ci-dessous. L'étourneau (椋鳥 mukudori), au Japon, désigne aussi de façon moqueuse depuis l'époque d'Edo les paysans des provinces pauvres des régions montagneuses du centre et du nord de Honshû montés à la capitale pour essayer d'y gagner leur vie, particulièrement en hiver. Des « bécassines » en quelque sorte (pardon pour les Bretons ! Mais c'est justement là la question...). MORI Ôgai, d'origine provinciale, mais haut fonctionnaire de l'Armée de terre et proche de la Maison impériale, n'en renverse pas moins la perspective habituelle : ce sont les naïfs, les écervelés, les étourdis (sens figuré d'étourneau en français), les bécasses, les péquenots qui sont le mieux à même de s'enrichir par l'expérience de la vie, et particulièrement par l'expérience vivante des cultures étrangères. Son idée ici dépasse peut-être même le fameux « mieux vaut une tête bien faite que bien pleine » de Montaigne. Avec le mot « négligents » (en japonais 締りの無い : relâché, débraillé, mou), il nous fait penser à cette qualité éminente dans laquelle l'historien grec Thucydide, à travers un des discours qu'il prête au général Périclès dans la guerre du Péloponnèse, voit la supériorité de la cité athénienne sur Sparte : la rathumia ῥᾀθυμἰα, c'est-à-dire justement l'« insouciance », l'aisance, la disposition à voir les choses facilement, voire la récréation, l'amusement. Une qualité peut-être trop « noble » (la famille MORI était une famille de médecins-samurais attitrés auprès du daimyô de Tsuwano) ! Noblesse que souligne Nietzsche lui-même dans sa Généalogie de la morale (1887). Mais une qualité qui, intellectuellement du moins, pourrait à nouveau être cultivée face aux « petits esprits », dont on ne saurait même dire qu'ils sont « bourrés à craquer », mais qui semblent avoir complètement oublié le sens profond de leurs « humanités » dans leur prurit réformateur. Le combat (spirituel) d'Athènes contre Sparte ne continue-t-il pas sous nos yeux ? Mais je m'aperçois que, chemin faisant, je me suis détourné des étourneaux, et de cette ῥᾀθυμἰα dont je voudrais précisément me targuer. Les photos et vidéos ci-jointes nous les font retrouver.

dimanche 24 mai 2009

« Plus tard, lorsque je suis allé en Occident, j'avais dépassé les vingt ans et j'étais déjà un peu plus au fait des choses de ce monde. A l'époque de ce séjour, chaque fois qu'un Japonais arrivait en Europe, j'observais son comportement. Et il n'y a pas à dire, ceux-là même qui arrivaient en Europe dégourdis et pleins de bon sens, les individus les plus décidés, paradoxalement, ne faisaient pas preuve par la suite d'un grand talent. C'est alors que j'ai élaboré la théorie de l'étourneau. De quoi s'agit-il ? Certains Japonais, débarquant en Europe à l'improviste, avaient tout l'air, comme on dit, de parfaits étourneaux. C'étaient de grands rêveurs. Et ce sont ces étourneaux-là qui, de manière inattendue, devaient réussir par la suite. C'est bien cela qui m'étonna. Les petits esprits bourrés à craquer sont mauvais. Pour prendre une comparaison, ils sont comme des récipients remplis à ras bord. Dans ces conditions, vouloir venir en Europe pour ressentir et emmagasiner des impressions nouvelles, c'est vouloir bourrer la marmite : tout mouvement devient impossible. On se trouve incroyablement à l'étroit. C'est ainsi en tout cas que j'ai ressenti les choses. Mais quand survient un de ces individus un peu négligents, à l'allure d'étourneau, celui-là, au moment du retour, a appris quelque chose au plus profond de lui-même. C'est là un phénomène que j'ai expérimenté à plusieurs reprises. A l'inverse, les esprits farcis de tout un tas de choses sont sans intérêt. »
MORI Ôgai, dans Konton (Chaos), traduction Emmanuel Lozerand in Cent ans de pensée au Japon (Tome I, Picquier, 1996, p 120-121).

samedi 23 mai 2009

Situation actuelle du blocage d'une époque, ce titre d'un essai fameux du poète ISHIKAWA Takuboku (1886-1912), rédigé en août 1910, et publié après sa mort en 1913, pourrait inspirer notre réflexion. Situation actuelle du blocage d'une société, et situation actuelle du blocage d'une université, de l'Université... Fin autoritaire du nouvel Empire japonais de Meiji, fin autoritaire d'une Ve République en panne d'espoir et de démocratie ? Sommes-nous condamnés à faire « comme si... », selon la formule d'un autre grand écrivain de Meiji, MORI Ôgai (1862-1922) ?

Jidaiheisoku no genjô - Situation actuelle du blocage d'une époque