mercredi 27 mai 2009

Étourneaux

Un bébé étourneau tombé de son nid a élu domicile chez nous. A grand bruit ! Grâce à internet nous avons pu le soigner et lui donner immédiatement la nourriture adéquate... et l'identifier, car au début (toujours la folie des grandeurs), nous avons cru qu'il s'agissait d'un bébé merle ! Tant pis pour les chants, mais cela m'a fait penser au passage d'un essai de MORI Ôgai qui fait l'éloge des étourneaux et que j'ai recopié ci-dessous. L'étourneau (椋鳥 mukudori), au Japon, désigne aussi de façon moqueuse depuis l'époque d'Edo les paysans des provinces pauvres des régions montagneuses du centre et du nord de Honshû montés à la capitale pour essayer d'y gagner leur vie, particulièrement en hiver. Des « bécassines » en quelque sorte (pardon pour les Bretons ! Mais c'est justement là la question...). MORI Ôgai, d'origine provinciale, mais haut fonctionnaire de l'Armée de terre et proche de la Maison impériale, n'en renverse pas moins la perspective habituelle : ce sont les naïfs, les écervelés, les étourdis (sens figuré d'étourneau en français), les bécasses, les péquenots qui sont le mieux à même de s'enrichir par l'expérience de la vie, et particulièrement par l'expérience vivante des cultures étrangères. Son idée ici dépasse peut-être même le fameux « mieux vaut une tête bien faite que bien pleine » de Montaigne. Avec le mot « négligents » (en japonais 締りの無い : relâché, débraillé, mou), il nous fait penser à cette qualité éminente dans laquelle l'historien grec Thucydide, à travers un des discours qu'il prête au général Périclès dans la guerre du Péloponnèse, voit la supériorité de la cité athénienne sur Sparte : la rathumia ῥᾀθυμἰα, c'est-à-dire justement l'« insouciance », l'aisance, la disposition à voir les choses facilement, voire la récréation, l'amusement. Une qualité peut-être trop « noble » (la famille MORI était une famille de médecins-samurais attitrés auprès du daimyô de Tsuwano) ! Noblesse que souligne Nietzsche lui-même dans sa Généalogie de la morale (1887). Mais une qualité qui, intellectuellement du moins, pourrait à nouveau être cultivée face aux « petits esprits », dont on ne saurait même dire qu'ils sont « bourrés à craquer », mais qui semblent avoir complètement oublié le sens profond de leurs « humanités » dans leur prurit réformateur. Le combat (spirituel) d'Athènes contre Sparte ne continue-t-il pas sous nos yeux ? Mais je m'aperçois que, chemin faisant, je me suis détourné des étourneaux, et de cette ῥᾀθυμἰα dont je voudrais précisément me targuer. Les photos et vidéos ci-jointes nous les font retrouver.

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