lundi 29 juin 2009

« Un peu de baume au cœur...


... à ceux qui ont vécu avec amertume (sic) l'échec (re-sic) du mouvement des enseignants-chercheurs »


30 juin 2009 Le livre du jour Vincennes, l'utopie pédagogique


C'ÉTAIT au temps où Vincennes rêvait. C'était au temps où Edgar Faure, ministre de l'éducation d'un gouvernement gaulliste qui souhaitait éloigner la contestation étudiante du coeur de Paris, permettait, dans la foulée de Mai 68, l'ouverture d'une université expérimentale dans le bois de Vincennes. C'était au temps où le critique d'art Jean Clair faisait l'éloge de la peinture murale d'étudiants révolutionnaires. Le savoir était alors un pouvoir et les salles de cours un fumoir. Au département de philosophie, Alain Badiou et Jacques Rancière tiraient les leçons d'Althusser, non loin d'un stupéfiant souk alimentaire. Côté département scientifique, Denis Guedj et ses amis introduisaient aux maths comme aux luttes modernes, et la sulfureuse filière de sexologie faisait jaser nombre d'observateurs.

Fac-similés et documents d'archives, photographies et textes de souvenirs à l'appui, le journaliste et professeur associé à Paris-VIII Jean-Michel Djian a composé Vincennes. Une aventure de la pensée critique, un ouvrage dont la forme inventive reflète le fond d'une forte idée éducative. Créé en janvier 1969, le Centre universitaire expérimental de Vincennes, dit aussi université Paris-VIII, inaugurait en effet une utopie pédagogique. Car cette " Forêt pensante ", comme le dit l'écrivaine Hélène Cixous, infatigable cheville ouvrière du projet, fut avant tout un idéal d'émancipation par l'éducation. Pluridisciplinarité, absence de distinction entre cours magistraux et travaux dirigés, égalité de services entre enseignants, inscription des non-bacheliers et accueil des étudiants étrangers furent les innovations majeures de cet hétéroclite aréopage de précurseurs. Révérés ou perçus comme d'inoffensifs " penseurs garantis par l'Etat ", comme on disait en ce temps-là, Foucault, Barthes, Châtelet, Deleuze, Lyotard, Serres, Chomsky ou Marcuse étaient les grands noms de l'équipe pédagogique d'une expérience certes problématique, mais unique.

A ceux qui ont vécu avec amertume l'échec du mouvement des enseignants-chercheurs de 2009, cet ouvrage anniversaire mettra peut-être un peu de baume au coeur. Car en ressort l'idée que l'université n'est pas qu'un flux d'étudiants à orienter, ni un flot de départements à évaluer. Mais aussi une certaine idée de l'universalité et d'un savoir autonome à partager. Si Vincennes a " fait son temps ", comme le reconnaît dans sa préface Pascal Binczak, l'actuel président de Paris-VIII, il reste selon lui à inventer d'autres manières d'enseigner, loin des seuls objectifs de la rentabilité.


Nicolas Truong © Le Monde

Vincennes. Une aventure de la pensée critique Jean-Michel Djian Flammarion, 190 p., 45 ¤



Commentaire : Ben, si c'est Le Monde qui le dit... que c'est un échec... et qu'Edgar Faure va nous mettre du baume au cœur...

En tout cas, Le Monde est-il innocent dans cet « échec » ? Prépare-t-il d'autres « baumes » ? Va-t-il prendre encore une fois

le train en marche, si le train se remet en marche ? A suivre...

 Au fait, Foucault, Barthes, Châtelet, Deleuze, Lyotard, Serres, Chomsky ou Marcuse : combien de points pour l'AERES ?

On peut d'ailleurs se demander si c'était aussi bien « chauffé » ou « éclairé » que cela dans cette « forêt pensante » ! Gageons que non...

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