mercredi 17 février 2010


Unis de la maternelle à l’université !

Il apparaît chaque jour plus clairement que le gouvernement impose aux différents services publics

(malgré le refus massif de ces projets par les personnes concernées et par presque toutes les

organisations représentatives) des transformations qui n’ont pas pour but d’améliorer le service rendu

aux citoyens et à la population, mais qui relèvent de logiques comptables et idéologiques :

Comptables, avec le non–remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite, quelle que

soit la dégradation du service public qui en résulte.

Idéologiques, car ces projets conduisent à détériorer le fonctionnement des services publics et plus

encore à accélérer l’entrée de leurs activités dans le secteur concurrentiel, en considérant comme

« naturelle » la rupture d’égalité entre citoyens qui en résultera.

De la maternelle à l’université, la même logique gouvernementale

Suppression de postes ou des RASED, « réforme » des programmes et du lycée, loi LRU, etc.

L’ampleur des chantiers ouverts par le gouvernement peut donner le tournis, mais elle dessine un

tableau très cohérent :

La disparition progressive des programmes nationaux au profit d’un vague « socle commun de

connaissances et de compétences » signifie une diversification croissante des élèves selon les

établissements qu’ils auront eu la chance ou non de fréquenter, donc selon leur milieu d’origine.

La transformation des chefs d’établissement et des présidents d’université en « chefs d’entreprise

autonomes », c’est-à-dire aux ordres du ministère de tutelle et du rectorat, mais libres de gérer

localement la pénurie de manière arbitraire, signifie la fin des libertés académiques et

l’instauration d’un mode de gouvernement managérial et autoritaire au monde de l’enseignement.

L’individualisation des carrières signifie la fin des solidarités collectives et de la collégialité dans

l’exercice des métiers de l’enseignement.

La désignation de quelques « pôles d’excellence » à tous les niveaux s’accompagnant de

l’abandon par l’État de la plupart des établissements d’enseignement et donc de très nombreux

territoires. Elle signifie que le gouvernement a choisi d’aggraver les inégalités territoriales au lieu

de chercher à les atténuer. C’est une rupture avec l’ambition et la tradition républicaines,

l’instauration pérenne de l’inéquité territoriale.

Ce projet signe l’abandon du projet républicain d’un système éducatif ouvert à tous et

cherchant à offrir à tous les mêmes chances. L’objectif est désormais de différencier le plus

possible établissements, élèves et enseignants et pour pouvoir les mettre en concurrence. C’est

une logique destructrice.

La réforme de la formation et du recrutement des enseignants : arme de

destruction massive contre l’Education Nationale et l’Enseignement Supérieur

Destruction de la qualité de l’enseignement

Dès septembre 2010, les établissements primaires et secondaires vont accueillir 15 000 lauréats

des concours sans formation professionnelle ! Ils seront secondés pendant quelques semaines par

un tuteur qui ne prendra en charge ses propres classes qu’à la Toussaint, après avoir été remplacé

par un étudiant ! Au 2e semestre, les nouveaux enseignants auront une formation accélérée de

quelques semaines pendant laquelle ils seront remplacés par des étudiants de 2e année de master

admissibles au concours, ainsi placés en pleine responsabilité, sans préparation sérieuse !

Ce scandale ne s’arrêtera pas avec la rentrée 2011, car les lauréats des futurs concours auront

navigué pendant leur master entre stages, épreuves, cours, formation pédagogique théorique,

travail de recherche, certification en langue et en informatique ! Le niveau d’exigence disciplinaire

dans les concours sera diminué au profit d’une épreuve de soumission à la hiérarchie (« agir en

fonctionnaire de l’État éthique et responsable ») et la formation pédagogique sera réduite à

quelques cours théoriques et à des stages bouche-trou.

On n’ose imaginer la situation des établissements qui devront accueillir des générations de jeunes

enseignants désemparés car privés de formation. Comment former des équipes pédagogiques

soudées et efficaces dans ces conditions ? Or ce sont 7 000 classes du primaire et plus d’un million

et demi d’élèves du secondaire qui seront directement touchés dès la rentrée 2010 !

La « revalorisation » tant espérée, et présentée par certains comme une contrepartie acceptable de

la « mastérisation », se bornera à 200 euros mensuels la première année d’exercice et à quelques

dizaines les suivantes, ce qui sera loin de compenser la perte des 1 300 euros mensuels (et des

cotisations retraite) de l’année de stage rémunérée qui est purement et simplement supprimée. En

outre, le système de mutation, déjà mis à mal, sera sans doute bloqué par l’afflux de jeunes

collègues sans expérience si les rectorats les placent sur des postes réputés moins difficiles.

Destruction de la fonction publique d’État

L’enjeu de cette « réforme » est d’abord financier : la Commission des Finances de l’Assemblée

nationale a reconnu que la « masterisation » permettrait d’économiser 16 000 postes en 2010.

Mais il s’agit aussi de faire sortir les futurs enseignants de la fonction publique.

La réforme des masters servira à doter chaque enseignant d’un « portefeuille de compétences »

afin d’individualiser sa carrière et sa rémunération.

Le fait que les étudiants non reçus au concours puissent valider un « master enseignement » dotera

les rectorats et les chefs d’établissement d’un vivier dans lequel il pourront puiser des enseignants

réputés qualifiés pour accélérer le remplacement des enseignants titulaires par des vacataires et des

contractuels, y compris des CDI de rang A.

Le fait d’insérer la préparation au concours d’enseignement au sein de la préparation d’un diplôme

(Master) permettra donc à terme de mettre fin aux concours nationaux ou académiques pour

généraliser les recrutements individuels en CDD ou en CDI par les chefs d’établissements.

Comme à France Telecom, les fonctionnaires formeront dans l’Éducation (ex-)Nationale un corps

promis à extinction.

C’est pourquoi, de la maternelle à l’université, nous devons tous lutter pour

obtenir le retrait de la réforme de la formation des enseignants, dite

« masterisation », et exiger le report de la session de l'automne 2010 (que les

candidats auraient un mois pour préparer) au printemps 2011 pour les concours

PE et CAPES.

Sauvons l’Université !, 17 février 2010

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