lundi 7 septembre 2009

Manipulation journalistique

Ce n'est pas la première fois qu'Étourneau dénonce les petites (ou grandes ?) manipulations de la presse, notamment régionale (cf., par exemple, le message du 29 juillet dernier où La Voix du Nord, confondant l'objectif final avec les tactiques gouvernementales provisoires, annonçait tout bonnement que dorénavant les frais d'inscriptions seraient fixés librement par les universités. Ce qui aura été par la suite rapidement démenti par Mme Pécresse, en réponse, il est vrai, à des accusations lancées par l'UNEF).
Nous avons aussi dénoncé des articles dont les conclusions, sinon le corps du développement lui-même, venaient infirmer le titre accrocheur nettement idéologisé, comme cet article du Figaro titré « Malgré les grèves, l'université fait encore recette », article paru le 12 juin dernier et analysé dans un message en date du même jour.
C'est, en fait, sur le même schéma idéologique qu'est construit un article de la Charente Libre de ce jour intitulé : « UNIVERSITÉ: LES LETTRES N'ONT PLUS LA COTE — Les mouvements de contestation successifs ont accentué le recul des sciences humaines [à Bordeaux], alors qu'à Angoulême les effectifs restent stables [cocorico de chauvinisme local] ». Il s'agit toujours de partir du présupposé que les grèves n'avaient aucune légitimité, étaient pernicieuses, et qu'« Aux yeux des parents, les universités apparaissent alors comme “un foutoir gigantesque toujours en grève” ».
Cependant, dans le cours de l'article, un souci d'objectivité refait curieusement surface : « Il n'existe pas de chiffres officiels pour dire en quoi les mouvements à répétition de ces dernières années affectent les inscriptions dans les facs de sciences humaines ». Mieux encore, on en arrive à aborder les questions de fond, quand le journaliste enchaîne en affirmant que les facs de sciences humaines sont : « les plus touchées en cas de grève, mais aussi celles qui offrent le moins de débouchés professionnels ».
Encore plus surprenant, la Charente Libre laisse une certaine liberté de parole aux étudiants et au journaliste qui rapporte leurs paroles. Ainsi Tiphaine Edesa : « Je voulais être prof, mais ils ont changé le cursus en cours d'année. » (On rapporte ensuite au discours indirect que « Les manifestations et les blocages ont accéléré sa décision », car le discours idéologique sous-jacent ne doit pas disparaître).
On laisse une prof d'histoire [en fait, nous dit-on, « chargée de TD à Bordeaux III » : chargée de TD n'est pas un titre en soi... mais passons...], choisie sans doute pour ses autres propos, très conservateurs et anti-grèves, expliquer plus complètement le fond du problème : « La fin du Capes à Bac +3, le concours qui désignait les profs de collège [et de lycée, on n'en est pas à une inexactitude près], a aussi beaucoup joué. “Les trois quarts de mes étudiants voulaient être profs: désormais, il faut un bac +5 pour passer le concours. Il y a 5.000 candidats pour 600 places, alors il faut une formation solide, assure-t-elle. Et chaque année compte, blocage ou non.” »
Enfin les vrais problèmes !
Et d'abord est bien exposé dans cette description un des mensonges gouvernementaux dont on parle peu. Ce n'est évidemment pas à Bac+ 4 (Licence + concours) qu'étaient recrutés les enseignants du second degré, sauf cas exceptionnel, puisque, comme l'indique très bien l'enseignante d'histoire moderne, la sélectivité est telle qu'il faut inclure les années d'études supplémentaires (redoublement, voire triplement, donc bac + 5, voire bac + 6). On voit clairement, à travers les propos rapportés librement par la Charente Libre qu'ajouter une année supplémentaire d'études non rémunérées tout en maintenant par ailleurs des concours des plus sélectifs sur fond de suppression drastique des postes, ne peut que décourager un grand nombre d'étudiants désireux de devenir professeur de s'inscrire en lettres et sciences humaines, sauf, éventuellement, les plus aisés d'entre eux.

Finalement, on en vient, dans ce type d'article à expliquer très bien le pourquoi des grèves et des blocages tout en les condamnant du même élan. Schizophrénie ?

* Les mentions entre crochets [...] sont d'Étourneau.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire