mardi 8 septembre 2009

La grande offensive de rentrée du Figaro contre l'université française a commencé !

Toujours entre manipulation grossière et/ou schizophrénie !

Et tout d'abord des titres fracassants qui caressent les lecteurs du Figaro dans le sens du poil et leur évitent de lire l'article, ou du moins de le lire avec un regard critique...

« Pitte : on ne travaille pas assez à l'université »
« de plus en plus d'étudiants en prépa pour fuir la fac »

Or qu'apprend-on de négatif dans le premier article de la bouche même de M. Pitte sur ce qu'il nomme ici tout d'abord le « délitement de l'université française », à part le fait qu'on n'y travaille pas assez, et qu'on n'y réfléchit pas assez aux débouchés professionnels. Un véritable scoop !
Mais, lui rétorquerait-on volontiers, avec quels moyens en heures de cours supplémentaires pourrait-on travailler plus ? Et quels sont les débouchés en temps de crise ? Former pour quels emplois, si cela se trouve, déjà condamnés ? Par ailleurs, on aurait quand même envie de demander à M. Pitt ce qu'il a fait pour lutter contre le délitement, à part des déclarations fracassantes, lorsqu'il était président de la (prestigieuse) Sorbonne !
On apprend en revanche, ou on voit se confirmer, beaucoup plus de points POSITIFS sur notre université !
— « celle-ci compte de grands professeurs » (les meilleurs ?)
— la formation à l'université est meilleure que celle qui est donnée en prépa, et correspond tout à fait aux critères internationaux contrairement au système des prépas qui, lui, est « dramatique » :
« On ne peut pas former l'ensemble de l'élite de la France uniquement avec du bourrage de crâne. Les enseignants de classes préparatoires sont remarquables mais ne font pas de recherche… Quoi qu'on en pense, l'université offre une autonomie plus grande à l'étudiant et sollicite davantage sa curiosité, son esprit d'initiative. Si à titre individuel, les classes prépas fonctionnent bien, pour le pays, ce système est dramatique, les élèves de prépa n'ont aucun contact avec le travail fondamental de recherche des universités, contrairement aux États-Unis, à l'Allemagne, à l'Angleterre, au Japon ou à la Chine. Or, sans recherche, il n'y a pas de développement économique, culturel, artistique. »
— l'idée de Mme Pécresse de créer des prépas à l'intérieur même des universités doit être considérée avec « réserve »
Une seule solution doit tout résoudre pour M. Pitte ; la sélection à l'entrée des université. Alors pourquoi le gouvernement ne l'envisage-t-il pas ? Et pourquoi ses amis du Figaro n'en font-ils pas des gros titres ? Ce serait plus honnête...

Le second article « de plus en plus d'étudiants en prépa pour fuir la fac » n'est pas mal non plus, surtout quand on vient de lire ce que M. Pitte pense des prépas !
Voyez quelques exemples :
— « Leur très bon encadrement attire les lycéens qui préfèrent éviter le premier cycle universitaire et ses 40 % d'échec. » Encadrement... et surtout aussi sélection draconienne à l'entrée en prépa !? Contradiction et malhonnêteté absolues. Si on demande la sélection à l'entrée de l'université, sans exiger pour elle un meilleur encadrement (quantitatif), c'est qu'en réalité, on fait porter la responsabilité de l'échec de 40 % des étudiants à l'université (d'où vient ce chiffre ? nous ne le saurons pas...) sur ces 40 % eux-mêmes (qui seraient mieux aux champs ou à l'usine, pensent dévotement les lecteurs du Figaro qui ne se sont pas encore aperçus qu'il n'y avait presque plus ni champs ni usines en France...)
— « En presque dix ans, les effectifs [en prépas] sont passés de 70 000 à 80 000 étudiants alors que le premier cycle universitaire est en berne : 635 714 inscrits en 2008 contre 708 000 dix ans avant. » En dix ans, il n'y aurait donc pas eu ces variations démographiques par quoi le gouvernement justifie ses suppressions de poste massives dans le second degré... manipulation grossière !
— « “Les professeurs ne sont pas meilleurs que ceux des universités, mais nos étudiants ont un taux d'encadrement élevé et beaucoup de notes : contrairement à la fac, ils peuvent se ressaisir au cours de l'année”, note Bruno Jeauffroy, professeur de physique en prépa au lycée Fénelon, à Paris. » M. Jeauffroy est donc parfaitement d'accord avec M. Pitte. Les taux d'encadrement élevés et la quantité de travail évalué sont donc réservés à l'élite. Cela voudrait-il dire par hasard que, pour combattre l'échec à la fac, il suffirait d'améliorer considérablement le taux d'encadrement qui y est fourni ? Ou suivra-t-on l'Évangile : « Car à tout homme qui a, il sera donné, et il sera dans l'abondance ; mais à celui qui n'a pas, on lui ôtera même ce qu'il a. Et jetez le serviteur inutile dans les ténèbres de dehors ; là seront les pleurs et le grincement des dents. » (Matthieu, 25 — 29-30)
— « À l'université, on peut aussi faire de “très bonnes études mais il faut être plus mûr pour s'adapter à ce système“, estime Bruno Jeauffroy. » De là à dire que nos élites sont des demeurés... Mais on lit parfois dans la presse, effectivement, que certains patrons préfèrent en effet recruter des étudiants formés à l'université, car ils seraient plus autonomes et plus inventifs...
— « Le manque de débouchés de certaines filières, les grèves en découragent plus d'un. Les enseignants de lycée sont ainsi nombreux à déconseiller la fac. » Les enseignants de lycée ont parfaitement raison. Vu que c'est à la fac qu'ils ont été formés, ils doivent savoir de quoi ils parlent ! Et que leur formation est loin de devoir s'y améliorer, malgré le mensonger Bac+5 (cf. message précédent).
— « Bien entendu, la dizaine d'établissements prestigieux qui affichent un fort taux de réussite sélectionne fortement, mais même à Paris, certains acceptent des élèves avec à peine 11 de moyenne générale en terminale. » MON ŒIL ! (moyenne générale de 11, avec, par exemple 18 en maths ; ça, oui, ça a toujours existé...)

Ajouté à 22 heures, ce même jour : M. le Prof, qui pourtant ne veut pas faire de son blog « un discours engagé », s'est scandalisé lui aussi de l'article « on ne travaille pas assez à l'université ». Voir : http://profdefac.over-blog.com/article-35813179.html
On l'aura donc compris. Ce que vise Le Figaro, avec quelques autres médias, ce n'est pas l'université en elle-même, mais les enseignants-chercheurs. Engagés ou non engagés, tel n'est pas le problème. Il s'agit sans doute d'une perception globale du corps enseignant comme un « ennemi de classe » (à part quelques mandarins, bien sûr...). Il faut donc à tout prix précariser les EC, les défonctionnariser, les dévaluer, les bafouer (« c'est chauffé ; il y a de la lumière, etc. »), pour rebâtir l'université-entreprise de demain, avec, en attendant, et pourquoi pas, les mêmes dégâts collatéraux que dans les défunts, ou quasi, PTT. CQFD.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire