mardi 22 septembre 2009

Journalisme idéologique


Les journalistes de droite, ou conservateurs, ou néo-libéraux acharnés, ou anti-intellectuels, ou que sais-je encore ? sont désarçonnés par les premières statistiques des inscriptions dans les universités. Dans leur esprit fortement idéologisé, le théorème suivant ne peut être remis en question :

Grèves + blocages + contestation = désaffection, décadence, pourrissement

Cependant, les chiffres, les réalités sociales et économiques (quelle autre offre de formation pour tous ceux qui ont été éliminés des filières dites d'excellence, ou donnant droit à la sortie à un emploi automatiquement défini ou attribué) ; la bonne qualité globale d'universitaires que les média, dont Les Échos, s'empressent d'exploiter dans tous les domaines, alors même qu'ils sont mal chauffés, mal éclairés, mal payés ; un certain idéalisme de la jeunesse qui croit encore au savoir désintéressé ; des parents qui préfèrent voir leurs enfants ailleurs que dans la rue et livré au chômage, toutes ces réalités sont têtues.

Le plus drôle ici (si la situation n'était pas aussi alarmante), c'est que ces mêmes journalistes ultra-libéraux ne suivent même plus la com de Mme Pécresse, du ministère, des autorités académiques, qui préfèrent mettre en avant le succès de réformes qu'ils imposent inexorablement et à marche forcée envers et contre tous. C'est le dynamisme propre de ces réformes, avec quelques petits millions d'euros disséminés ici et là, qui expliquent, selon cette com, l'attractivité intacte, sinon augmentée, des universités. Car il sera toujours temps, le moment venu, et les esprits calmés, soudoyés, résignés, de passer au stade supérieur : augmentation des frais d'inscription, défonctionnarisation et précarisation des statuts de tous les acteurs de l'éducation et de l'université, privatisation et marchandisation de secteurs entiers de la recherche et de la production des savoirs, recentrement des savoirs sur les sciences dures, la technologie et les sciences économiques en asphyxiant tout le reste.
Force est de constater, en tout cas, que l'autosatisfaction ministérielle ne rencontre aucun écho dans Les Échos, journal qui escomptait probablement que l'effondrement rapide du système actuel accélérerait le passage à l'université non pas moderne (si tant est que la modernité remonte aux Lumières du XVIIIe siècle), mais post-moderne, surmoderne, hypermoderne, ou tout ce que l'on voudra, c'est-à-dire en somme, réactionnaire par rapport au progrès social et à l'émancipation des individus.
Les Échos vont très loin dans l'idéologisation de leur analyse, jusqu'à accuser presque ouvertement les universités de trafiquer leurs statistiques, dans ce titre symptomatique : « Les universités affirment échapper au contrecoup des grèves » !


« Les universités affirment échapper au contrecoup des grèves

[ 22/09/09 ]

« C'est une très bonne nouvelle. » Patrick Paris, directeur de cabinet du président de l'université Montpellier-III Paul-Valéry, ne cache pas son soulagement au vu des résultats d'inscription de cette rentrée. Alors qu'au printemps dernier l'établissement avait connu huit semaines de grève du fait de la fronde étudiante, le nombre de bacheliers s'inscrivant pour la première fois à l'université sera cette année à la hausse. « Avant même la clôture des inscriptions, nous comptons aujourd'hui 2.566 inscrits en première année de licence, soit 100 de plus que l'année dernière », indique Patrick Paris. Une tendance d'autant plus étonnante que les effectifs étaient orientés à la baisse depuis cinq ans.
« Pas de corrélation »

D'autres universités durement touchées par les grèves au premier semestre annoncent des effectifs stables voire en hausse à la rentrée. Ainsi, l'université de Caen constate une « légère augmentation » de ses inscrits en première année de licence, tandis qu'à l'université de Reims Champagne-Ardennes - onze semaines de grève, dont cinq semaines de blocage -, la hausse est de 1 %. Au sein de l'université de Dijon Bourgogne, cette augmentation se monte à 2 %, soit 90 étudiants en plus. « Il n'y a pas de corrélation entre les mouvements et les inscriptions. Pour preuve, les filières les plus affectées par les blocages ne sont pas celles qui perdent le plus d'étudiants », souligne Sophie Déjean, présidente de l'université. Ainsi, les inscrits en psychologie augmentent de 8 % alors même que les cours de cette discipline y ont été bloqués durant des semaines. A l'inverse, la filière sciences et gestion, pourtant non impactée, enregistre une diminution de ses effectifs.
Résultats temporaires

La semaine dernière, la ministre de l'Enseignement supérieur, Valérie Pécresse s'est, d'ailleurs, félicitée de la stabilisation des effectifs d'étudiants inscrits à l'université après plusieurs années de baisse. Ces résultats ne manquent néanmoins pas d'étonner, d'autant que le nombre de bacheliers en 2009 dans ces régions est stable, voire en léger recul. « Nous récoltons le fruit de notre politique d'attractivité », assure Patrick Paris. L'année dernière, l'établissement a mis en place de nouveaux contenus de licence, intégrant davantage de périodes de stages et de découverte de l'univers professionnel. Du côté de l'université de Bourgogne, on met en avant la nouvelle procédure d'inscription « admissions postbac », généralisée cette année à tous les bacheliers de France.

Reste que ces premiers résultats doivent être pris avec précaution. Les inscriptions ne sont pas closes, voire n'ont pas débuté dans les établissements les plus impactés par les grèves, qui ont dû repousser la reprise des cours. Tel est le cas à l'université de Toulouse-II Le Mirail, dont les inscriptions en première année de licence ne sont ouvertes que depuis hier. De même, certaines universités très touchées par les grèves, comme Rennes-II, n'ont pas encore communiqué leurs chiffres.

MAXIME AMIOT, Les Echos »


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