lundi 28 septembre 2009

Évaluation (suite)

Dans son édition datée du samedi 26 septembre 2009, Le Monde publie un excellent dossier sur l'évaluation, et les suicides au travail à France Télécom, entreprise devenue le symbole des maux du nouveau management des entreprises. Citons d'abord le chapeau introductif de ces 3 pages très denses :

« les racines du mal : Axé sur la gestion, la rentabilité et l'individualisme plutôt que sur le métier bien fait et le vivre-ensemble, le management actuel génère un environnement pathogène. Pistes et analyses pour sortir de cet engrenage »

Retenons-en encore quelques lignes au moment où les réformes universitaires veulent introduire à l'université et à l'école les nouvelles valeurs de « gestion, rentabilité et individualisme » ; et à l'heure même où un président d'université semble trahir sa véritable ambition (+ 40.000 euros de prime annuelle) dans un lapsus des plus révélateurs (cf. message précédent).
Il s'agit du début de l'article intitulé « France Télécom : l'évaluation individuelle à l'origine du mal-être — Les salariés les plus investis pâtissent davantage du harcèlement moral », article rédigé par Marin Ledun, chercheur en sciences humaines et sociales, écrivain, et Brigitte Font Le Bret, psychiatre et médecin du travail à Grenoble :

« Les nouvelles formes du travail, caractérisées par la modulation individualisée de la gestion salariale, génèrent de manière croissante depuis une dizaine d'années des décompensations psychiques graves de nature autoagressive ou hétéroagressive. Les conséquences psychiques et sociales sont malheureusement catastrophiques. Pensons qu'en France près de 400 suicides sont directement imputables à une souffrance au travail, soit la même proportion que les décès dus à des accidents du travail.
La situation que connaît l'entreprise France Télécom depuis cinq ans, avec 23 suicides sur les dix-huit derniers mois, en est la triste expression. A ce chiffre s'ajoutent ceux des nombreuses tentatives de suicide, du personnel en arrêt-maladie pour dépression, et des multiples incidents qui émaillent le quotidien des salariés.
Cette situation était malheureusement prévisible, et de nombreux praticiens de terrain (psychiatres, médecins et inspecteurs du travail, liés par le secret médical, syndicats, responsables des comités hygiène et sécurité) et les salariés eux-mêmes la dénoncent inlassablement depuis longtemps, dans un silence politique quasi total. Et si la direction du groupe et l'Etat, actionnaire et principal employeur de la société, n'inversent pas la tendance, la situation ne fera que s'aggraver. » © Le Monde

Heureusement que la loi LRU/Pécresse se fonde, pour l'établissement des services des enseignants-chercheurs, sur « la modulation individualisée de la gestion salariale ». Déjà que c'est, traditionnellement, une profession à haut risque de « décompensations psychiques graves de nature autoagressive ou hétéroagressive »... Bonjour les dégâts !

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