samedi 25 juillet 2009

« La relation pédagogique est d’abord une relation de confiance »

Sur le blog de François JOST, professeur à la Sorbonne Nouvelle Paris III, où il dirige le Centre d’Etudes sur l’Image et le Son Médiatiques (CEISME) et où il enseigne l’analyse de la télévision et la sémiologie audiovisuelle, ce message très intéressant. Voir aussi les commentaires !

24 juillet 2009
La télévision à l’université, selon Valérie Pécresse

Valérie Pécresse a annoncé ce matin sur Europe 1 que les cours d’université allaient être enregistrés pour être mis en podscats accessibles à distance par les étudiants. À l’heure de l’autonomie des universités, je suis content, en tant que professeur des universités, d’apprendre par la radio cette information venue d’en haut, qui ne semble pas souffrir de discussion!

Sans entrer dans les détails des problèmes que cela pose (qui filmera ces podcasts? Quels techniciens? Comment fera-t-on dans les petites salles? etc), j’aimerais attirer l’attention sur ce que le discours de notre ministre révèle de l’idée qu’elle se fah-20-1055774.1248421629.jpgit des médias.

À la question “est-ce que les enseignants sont formés à une telle entreprise?”, Valérie Pécresse répond qu’il leur suffit de faire leur cours, que le filmage n’y changera rien. Comme si le fait de mettre une caméra et un micro devant un individu ne changeait en rien son comportement! Voici, une fois encore, une responsable politique qui croit à la transparence des médias! …Qui ne comprend pas que, s’ils sont médias, précisément, c’est parce qu’ils médiatisent et non parce qu’ils restituent la réalité telle quelle. Dans les années 60, un producteur de télévision s’était livré à l’expérience suivante, dans le cadre de l’émission Vocations: un professeur d’université de psychologie racontait à Pierre Dumayet sa vocation, sans savoir que la caméra tournait. Puis, le journaliste le prévenait soudain qu’il allait enregistrer la conversation. Et, aussitôt, son comportement changeait, il devenait plus docte, plus formel, plus sentencieux, sans même s’en rendre compte… En voyant après coup les deux séquences, le psychologue en prenant conscience.

La relation pédagogique est d’abord une relation de confiance, qui se construit grâce à l’élaboration progressive d’un environnement cognitif commun. Cet environnement permet à la communauté enseignant-étudiants de se comprendre au bout de quelques temps à demi-mot: on sait qu’un prof est pince sans rire, que tel autre est excessif, etc. Le filmage efface toute cette connivence qui ne se développe que dans la durée et dans le face à face. S’ils savent qu’ils sont filmés, beaucoup de prof feront disparaître ce lien privilégié avec l’auditoire et l’on verra des enseignants aussi lisses que des présentateurs de JT… Certains finiront pas préférer s’adresser à la caméra que s’adresser aux paires d’yeux qui sont la raison d’être de sa parole. Cette disjonction inévitable entre un être de chair et de sang, qui communique avec son prochain, et un être d’images, qui communique avec son lointain, Madame Pécresse ne la voit pas, convaincue que la caméra est transparente…

Et les droits d’auteur? lui demande-t-on. Qu’en sera-t-il? Peut-on s’approprier un cours comme un morceau de musique ou un film sur un site?… Réponse étonnante d’une ministre qui croit défendre les auteurs avec la loi Hadopi: “les droits d’un cours appartiennent à l’université” (textuel). Où sont les contrats de cession? Depuis quand un professeur n’est plus propriétaire de sa parole? On savait que l’université devenait une entreprise, j’ignorais qu’elle était devenue une édition! J’aimerais bien sur ce point l’avis d’un avocat.

Décidément, il serait bon que les politiques aient quelques cours sur les médias. 

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