vendredi 31 juillet 2009

Dura lex, sed lex ! (Suite)

    Dans un précédent message, nous commentions l'interview que Madame la présidente de l'université de Caen a donnée à Ouest-France le mercredi 29 juillet 2009. La réponse apportée à la dernière question de la journaliste : « Les étudiants se sont opposés à la loi LRU. Craignez-vous un nouveau mouvement ? » pouvait paraître particulièrement tranchante et autoritaire : « L'année dernière, les étudiants se sont présentés aux élections dans le cadre de la loi LRU. Ils participent aux instances élues qui fonctionnent selon la loi. On y est déjà ! Quand une loi est votée, elle s'applique. Les étudiants le savent. C'est incontournable. »
     Or, dans une excellente enquête sur l'état d'esprit des étudiants en « sciences sociales » dont le compte rendu nous a été parfaitement bien synthétisé le 13 juin dernier par Marie-Emmanuelle Amara dans un article titré « les étudiants en sciences sociales en mal d'université » et paru dans Le Mensuel de l'Université, on trouve clairement exprimé le désir des étudiants de participer activement aux transformations et au devenir de leur université, et cela sans doute bien au-delà d'un simple démocratie représentative qui, faute d'un pourcentage significatif de votants, et faute d'un réel pouvoir dans les diverses instances universitaires, ne représente finalement plus grand-chose...
     La partie suivante du résumé de l'enquête est particulièrement riche et symptomatique :

« Déstabilisés par les réformes… mais pas résignés!

“J’ai l’impression d’aller dans le noir.”

Ces étudiants sont les premiers à expérimenter les nouveaux cursus, ils ont le sentiment d’être dans une phase de transition, de faire les frais d’une expérimentation. Ils voudraient plus d’informations sur les réformes de l’enseignement supérieur, leurs implications sur la poursuite de leurs études et leurs répercussions en matière d’emploi.

L’ouverture sur l’Europe les séduit, mais ils ont des craintes concernant des périodes de mobilité auxquelles ils ne sont pas préparés.

“On est prisonniers du système!”

Si l’engagement politique ou syndical les intéresse peu, les étudiants ne sont pas pour autant résignés à rester passifs face aux changements qui leurs sont imposés.

Ils expriment vivement leur mécontentement de ne pas avoir été consultés ni suffisamment informés sur les modifications des cursus et nouvelles orientations universitaires. Ils veulent désormais être acteurs et prendre part aux décisions qui les concernent.

“Aujourd’hui, ici, on nous a entendu”

Ainsi, malgré l’angoisse que suscite un futur professionnel que chômage et concurrence internationale rendent incertain, les étudiants ne se montrent pas fatalistes et estiment qu’ils ont un rôle à jouer dans la construction de cette université nouvelle.

Ils ont montré une grande envie d’exprimer leur point de vue et ont apprécié de trouver grâce aux focus groups un espace de parole. »


     Nous serions curieux de savoir ce que Madame la présidente de l'université de Caen (entre autres) aurait à répondre, en tant qu'enseignante, formatrice, éducatrice, responsable enfin, et engagée dans ou par les réformes gouvernementales, sur les véritables questions soulevées ici par les étudiants : « Ils expriment vivement leur mécontentement de ne pas avoir été consultés ni suffisamment informés », « Ils veulent désormais être acteurs et prendre part aux décisions qui les concernent... estiment qu’ils ont un rôle à jouer dans la construction de cette université nouvelle. Ils ont montré une grande envie d’exprimer leur point de vue. » Est-ce que réellement les dispositifs prévus par la loi LRU et les décrets qui sont censés la mettre en œuvre répondent à une telle attente des étudiants ? Le peu d'empressement dont la fameuse « majorité silencieuse » a fait preuve, lorsqu'il s'est agi d'aller à la rescousse des présidents d'université pour faire rouvrir les campus en juin dernier, ne montre-t-elle pas suffisamment combien, en effet, les étudiants sont mécontents du déficit démocratique des gouvernances universitaires ? Saura-t-on répondre à ce désir qui s'exprime nettement ici chez les étudiants de devenir réellement acteurs des réformes engagées et qui les concernent au premier chef ? À ce désir d'avenir, en somme !


* Voir l'article complet : http://www.lemensuel.net/2009/06/13/les-etudiants-en-sciences-sociales-en-mal-duniversite/

** Le glissement, dans les média, de l'appellation traditionnelle de « faculté, université des lettres » ou « université des lettres et sciences humaines » en « université des sciences sociales » semble révélateur de ce qui est en train de se passer et mériterait à lui seul d'être étudié. La plupart des journalistes ne gardent sans doute même plus le souvenir de ce qu'auront pu signifier les « lettres »...





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