lundi 10 août 2009

Faut-il imiter les Etats-Unis ? (Suite)


Après tout, pourquoi pas ?
      Si c'est pour revenir aux fondamentaux démocratiques, et humanistes des meilleures universités américaines, et débloquer notre époque ! 
     C'est ce qu'on en arriverait à penser en écoutant sur France-Culture (nul n'est exempt d'approcher parfois la perfection !) la conférence d'Antoine Compagnon, professeur au Collège de France, rediffusée ce lundi matin et analysant de près « les enseignements du modèle universitaire américain pour la France ». Antoine Compagnon, qui sait de quoi il parle pour être lui-même membre de l'Université Columbia de New York, passe en revue 10 malentendus commis, notamment à travers la LRU, sur l'histoire et le fonctionnement des meilleures universités américaines. Il en conclut que le modèle américain, qui semble être la référence absolue de nos gouvernants en matière de réforme universitaire, serait plutôt celui des universités américaines intermédiaires, médiocres, dont le mauvais fonctionnement a été mis en pleine lumière par les scandales ayant éclaboussé au moins deux présidents d'université. Dans ces universités, le pouvoir des présidents est en effet autocratique, managérial, tandis que dans les meilleures, le pouvoir se répartit entre pas moins de 10 personnes aux domaines de compétence bien définis et tirant leur autorité des conseils ; mais plus encore des traditions libérales (intellectuellement parlant), civiques, citoyennes, participatives dirions-nous, voire patriotiques présidant aux mœurs universitaires (Revoilà Tocqueville et ses États-Unis « vieil esprit, une vieille nation » du message précédent !). Sur le financement des universités, il est intéressant de noter que, d'après cet exposé, il ne s'agit nullement, dans le cas des universités américaines du « partenariat public-privé » que veut installer l'actuel gouvernement français : les fonds privés, d'un pourcentage relativement modeste, sont essentiellement représentés par les contributions individuelles des anciens élèves, ces derniers étant les meilleurs évaluateurs extérieurs des performances de leur ancienne université. En ce qui concerne l'évaluation proprement dite, Antoine Compagnon souligne que le mot même n'existe guère dans le système anglo-saxon, et qu'il y est préféré une auto-régulation interne à la formation d'agences d'évaluation coûteuses et éloignées de l'objet même de leur évaluation. En fait, gouvernance et évaluation reposeraient sur la recherche perpétuelle du consensus le plus large possible, ce qui nécessite évidemment un certain temps (mais qui aboutirait à ce que les réformes soient finalement appliquées...) Antoine Compagnon ne dissimule pas quelques inconvénients de ce système ni son orientation actuelle qui paraît être en train de se dégrader par rapport à l'apogée des années d'après-guerre. Mais on ne peut s'empêcher de penser, en l'écoutant, que nos gouvernants manquent singulièrement d'ambition et d'espoir pour l'université française, ayant pour ainsi dire fait le pari qu'on pourrait tout juste, et au forceps, la hausser au rang d'universités de second rang dans le fameux classement de Shanghaï... et toujours à la traîne des universités américaines les plus prestigieuses et performantes. Cette conférence s'intègre dans une série intitulée « Université, science et recherche dans la France d'aujourd'hui » sous la présidence de Jean-Claude Casanova. Dans cette même série nous avons pu écouter l'intervention de Claude Allègre qui compare à grands traits (cosmiques ?) l'université américaine et l'université française ou européenne. Sa grande idée semble être que l'université européenne, depuis sa fondation au Moyen Âge, a été créée pour les professeurs, et qu'on n'y admettait les étudiants qu'avec réticence ; tandis que l'université américaine aurait été créée pour les étudiants. Les deux modèles seraient par essence incompatibles. Quand on écoute Antoine Compagnon, on se demande si les deux hommes parlent bien de la même chose... À suivre...

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