dimanche 22 novembre 2009

schizophrénie (suite 4)

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"(...) L'université, devenue schizophrénique entre ses velléités de professionnalisation et sa prétention à assurer encore le rôle de conservatoire des savoirs, ne sait plus à quel saint se vouer. Non seulement prise entre deux feux, mais surtout atteinte de deux maladies pour l'instant incurables - j'entends le pédagogisme, maladie contractée au collège, répandue dans les Instituts Universitaires de Formation des Maîtres, lieu où le pédantisme atteint des sommets d'outrecuidance et d'imposture, de quoi réveiller Rabelais, Montaigne, Molière et La Bruyère, pour une guerre contre les galimatias ; et bien sûr l'érudition gratuite, prétentieuse et vaine, autre fléau, celui-là nettement plus ancien, qui discrédite la majeure partie d'une élite, ronronnante, se confortant dans ses thèses vétustes, craignant les innovations du savoir comme la peste, se sentant menacé dès qu'un esprit s'aventure avec audace sur une terre qu'elle juge sienne, chasse gardée de son confort intellectuel poussiéreux. Ce second mal s'appuie comme le premier sur l'usage éhonté d'un jargon incompréhensible, arme brandie contre toute invasion extérieure qui menacerait d'effriter l'ivoire de la tour. Maladie de la consanguinité intellectuelle qui dégénère la pensée, vidée de son sens, tandis que les nouveaux pédants gagnent du terrain et imposent partout le non-sens.

Où penser encore aujourd'hui ? Mais comme cela s'est toujours fait ! Chez soi, seul, ou entre esprits curieux disposés à s'ouvrir, non à se montrer, ni à tenir salon. Fabriquer un meuble, cultiver des roses, apprendre à jouer d'un instrument de musique, peindre, goûter les saveurs (...) autant de pratiques culturelles actives où l'on s'essaie soi-même, où l'on engage ses facultés, où l'on teste ses aptitudes, ses limites. Cette culture souterraine donne une ascèse, un pouvoir qu'il est toujours urgent de protéger, force menacée, guettée, traquée par ceux qui s'attaquent à tout ce qui pense librement, à l'écart."

Florence Balique , "De la Séduction littéraire", PUF Philo., novembre 2009.

"C'est contre vous que j'écris, messieurs les "cerveaux à bourrelets" [Rabelais], messieurs les professeurs, qui savez très bien de quoi je parle, de votre imposture, de votre étalage culturel dénué de sens, de votre prétention à un savoir que vous ne maîtrisez pas mais que vous utilisez comme pouvoir pour asservir et vous élever dans le monde, et pour abêtir même, chaque fois que vous le pouvez, de votre cynisme qui nuit à l'enjeu démocratique par affirmation de privilèges linguistiques illégitimes, car avec vos mots mal sonnants vous n'attrapez que du vent, mais vous confisquez cette culture vivante qui ne vous appartient d'aucun droit".

"De la Séduction littéraire" de Florence Balique
Florence BALIQUE est docteur ès Lettres et enseigne la littérature française classique à l'Université de Versailles-Saint-Quentin en Yvelines.
Presses Universitaires de France, coll. "L'interrogation philosophique", 2009, 304 p.
ISBN : 978-2-13-054502-6
Prix : 28,00 €

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