dimanche 29 novembre 2009

L'université transformée en Fac Donald's ?


le blog de Julien Sansonnens Politique vaudoise et fédérale, actualité sociale et citoyenne
24 Heures Tribune de Genève 29.11.2009

L'uni transformée en Fac Donald's ?

Aux quatre coins de l'Europe, les étudiants de l'enseignement supérieur manifestent contre la marchandisation de l'éducation. De quoi parle-t-on ? Quelles sont, concrètement, les manifestations de ce processus remettant si profondément en cause notre conception européenne de l'Université ?

Par « marchandisation », il faut comprendre d'abord le processus d'asservissement toujours plus fort de l'académie aux intérêts économiques. Bologne concrétise un processus démarré depuis plusieurs dizaines d'années, et qui consiste à réorienter les budgets des académies vers les disciplines jugées les plus immédiatement rentables. Concrètement, nous assistons aujourd'hui à une forte dégradation des conditions d'étude dans les filières de sciences humaines, sciences sociales, histoire, philosophie, théologie: manque d'encadrement, locaux exigus, professeurs surchargés, parfois même suppressions pure et simple d'enseignements. De plus en plus, l'université est perçue comme une école professionnelle d'élite, devant fournir à l'économie des cerveaux toujours mieux ajustés à la demande. La formation de l'esprit critique, la transmission d'une histoire, la réflexion sont progressivement évacuées.

L'emprise grandissante du privé sur le fonctionnement de l'académie constitue une deuxième facette du processus de marchandisation. Ce qui était encore impensable il y quelques années devient réalité: des chaires sont subventionnées par des multinationales, des bibliothèques sont payées par des fabricants de montres de luxe, des professeurs rétribués par des laboratoires pharmaceutiques. Au delà des prétendues « garanties » apportées, les contenus s'en trouvent directement affectés, l'autonomie du champ scientifique remise en cause.

Enfin, le système Bachelor-Master, remplaçant l'ancienne licence, consacre le développement d'une université à deux vitesses, avec le bachelor pour le plus grande monde, et le Master pour celles et ceux qui peuvent se l'offrir. Ce modèle est une exigence de l'économie: pouvoir bénéficier d'une main d'œuvre très qualifiée, mais formée moins longtemps, donc moins chère. Déjà, des voix s'élèvent pour n'accorder des bourses que jusqu'à la fin du bachelor, et pour augmenter fortement le prix des Master.
Au-delà des revendications immédiates (pas de numerus-clausus, pas de listes de présence aux cours), les étudiants défendent également l'Université européenne telle que nous la connaissons, lieu de savoir universel à vocation humaniste, lieu de débat et de formation de l'esprit critique, lieu de développement de la citoyenneté. Pour cela, ils méritent notre respect et notre solidarité active.

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