samedi 16 janvier 2010

La France est-elle une démocratie ? (31)


Une démocratie en grand danger, si l'on en croit Dominique Rousseau, Professeur à l'université Montpellier-I, membre de l'Institut universitaire de France, dans son article paru dans Le Monde du 16 janvier sous le titre « Il est dangereux de réformer au mépris de la Constitution — La Loi fondamentale est une garantie pour les citoyens » et dont voici quelques extraits significatifs :

« […] [La Constitution] oblige, par ses règles de procédure, à une délibération argumentée, patiente et éclairée sur le bien-fondé de la future loi, sa qualité rédactionnelle et son impact social, économique, financier et politique. Elle oblige aussi, par ses principes de fond, à une réflexion sur le sens, la portée et la valeur que peut représenter pour le " bien commun " l'adoption de telle ou telle loi. La volonté générale ne se produit pas spontanément ni dans l'insouciance de l'instant ; elle se construit avec prudence, avec mesure, et la Constitution est cette Loi fondamentale qui permet au temps court, léger et parfois étourdi d'une initiative législative de se confronter au temps long des principes qu'elle énonce.

Or le président de la République gouverne comme il vit : dans l'instant, sans représentation d'une histoire particulière à assumer et à transmettre, celle qui s'exprime dans les déclarations des droits de 1789 et de 1946, sans souci du passé et sans davantage souci de l'avenir. A l'instant où il parle, il veut, il pense qu'à l'instant sa parole fait droit.

[…]

Cette méthode de gouvernement est dangereuse pour la démocratie, qui s'est toujours construite et exercée dans le cadre d'institutions reconnues et respectées. M. Sarkozy, qui se plaît à citer les hommes de gauche, devrait relire le discours de la méthode adressé par M. Rocard à ses ministres : " Il convient de tout faire pour déceler et éliminer les risques d'inconstitutionnalité susceptibles d'entacher les projets de loi, les amendements et les propositions de loi inscrits à l'ordre du jour ; cette préoccupation doit être la nôtre même dans les hypothèses où une saisine du Conseil constitutionnel est peu vraisemblable. " Comme le disait Benjamin Constant, cette contrainte " est une garantie pour le peuple ". »

Question subsidiaire que se pose Étourneau :
Quand on dit : « La volonté générale ne se produit pas spontanément ni dans l'insouciance de l'instant ; elle se construit avec prudence, avec mesure », n'est-ce pas relativiser (avec raison) le poids des diverses élections dans l'expression et la construction de la « volonté générale » et du « bien commun » ? N'est-ce pas relativiser (avec justice) l'efficacité de la démocratie représentative par rapport à la démocratie participative (même réduite aux grands corps de l'Etat !) ? N'est-ce pas relativiser le pouvoir (absolu ?) de l'exécutif par cette volonté générale plus transcendantale qui s'exprime à travers les traditions du passé et les utopies de l'avenir ?


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