lundi 5 avril 2010

La France est-elle une démocratie ? (62)


Une pétition (significative) en ligne :

To: Monsieur le Ministre de l'Education Nationale

Les Arrêtés du 28 décembre 2009 réformant les concours de recrutement des enseignants du premier et du second degrés (J.O. du 6 janvier 2010) prévoient à compter de la session 2011, dans les épreuves orales, une évaluation de la compétence dite « Agir en fonctionnaire de l'Etat et de façon éthique et responsable », dont la définition est donnée dans l'annexe de l'Arrêté du 19 décembre 2006 (point 3 « les compétences professionnelles des maîtres »). Cette évaluation occupe en apparence une place mineure dans l’oral de l’Agrégation (4 points sur 20 de l’épreuve orale où elle s’insère), ou même dans l’oral du Capes (6 points sur 20), mais il est aussi prévu par les Arrêtés que lorsqu'une épreuve comporte plusieurs parties, la note zéro obtenue à l'une ou l'autre des parties est éliminatoire. Et il est par ailleurs annoncé que les jurys des concours pourraient, outre les membres (issus du corps de l’Inspection ou des corps enseignants) proposés par le Président du jury, « comprendre des personnes choisies en fonction de leurs compétences particulières ».
En somme, les futurs candidats seraient supposés faire la preuve, au cours d’un entretien d’une vingtaine de minutes avec le jury (« exposé du candidat à partir d'un document fourni par le jury (dix minutes) et entretien avec le jury (dix minutes) »), de leur bonne moralité, cette évaluation pourrait être confiée à des personnes aux « compétences particulières », et une prestation insatisfaisante pourrait leur valoir une note éliminatoire.
Nous ne pouvons accepter qu’un certificat de bonne moralité – en vertu de quels principes, de quels critères ? - soit désormais requis pour accéder aux fonctions d’enseignant ; nous ne pouvons admettre qu’un jury puisse éliminer des candidats, en supputant dans le cadre d’une épreuve orale aux contours opaques leur incompétence en matière d’éthique et de responsabilité ; nous ne pouvons comprendre comment pourrait être suspecté le désir d’être un enseignant compétent et dévoué, s’agissant de personnes qui, au terme de plusieurs années d’étude exigeantes, et d’une ou plusieurs années de préparation spécifique, se présentent aux concours de recrutement de l’enseignement.
Enfin, cette disposition nous paraît des plus dangereuses car elle suggère une volonté de contrôle des consciences, étrangère à notre tradition républicaine. Les concours de recrutement ne sauraient évaluer que les compétences disciplinaires et les aptitudes pédagogiques des candidats.
C’est pourquoi nous demandons solennellement à Monsieur le Ministre de l’Education Nationale que l’évaluation de la compétence « Agir en fonctionnaire de l'Etat et de façon éthique et responsable » soit retirée au plus vite de l’ensemble des concours de recrutement de l’Education Nationale, pour lesquels elle est actuellement programmée.

Sincerely,


A propos de l'évaluation de la compétence dite « Agir en fonctionnaire de l'Etat et de façon éthique et responsable », on trouvera des commentaires très intéressants sur le blog de Luc Cédelle, journaliste « spécialisé » en éducation du journal Le Monde :

Yves Madiran a bien voulu nous communiquer qu'il a envoyé sur ce blog et qui se trouve toujours « en attente de modération » à ce jour :

« Agir en fonctionnaire de l’Etat de manière éthique et responsable » ? Pour ma part, « agir de manière éthique et responsable », relève d’un tout autre ordre, — social, moral, idéologique, métaphysique —, que celui d’avoir à « agir en fonctionnaire de l’Etat ». Réunir ces deux ordres de la vie et de la pensée n’a que peu de sens, dans la mesure où le respect de l’éthique et le sens de la responsabilité personnelle dépassent, sont d’un ordre supérieur à celui du fonctionnariat, de même que, pour Pascal, l’ordre de la charité était infiniment supérieur à l’ordre du savoir. Un des malheurs de l’église catholique actuellement mis en pleine lumière, n’est-il pas justement d’avoir confondu plusieurs ordres des choses, n’exigeant officiellement de ses clercs que d’« Agir en fonctionnaire de l’Eglise de manière éthique et responsable » Bref, pour moi qui aurai enseigné en collège, au lycée, à l’université, en France et à l’étranger, « Agir en fonctionnaire de l’Etat de manière éthique et responsable » aboutirait souvent à une alliance dans les termes insupportable, sans parler même de tous les obstacles techniques si bien résumés dans les commentaires précédents. Par ailleurs, vous insistez, M. Cédelle, sur « la nécessité de bien distinguer les spécificités de l’enseignement ». Or, la spécificité du métier d’enseigner ne ressort-elle pas d’abord de l’ordre du désir ? Désir de savoir, désir de transmettre, désir d’un rapport le plus désintéressé possible à autrui. Or un désir ne semble pas être quantifiable, encore moins évaluable. Mais que ce soit là précisément la dimension du métier que l’Etat veuille contrôler à sa source même, et si possible anéantir, c’est ce qu’il est facile de concevoir. Particulièrement de la part d’un Etat désormais dominé par la pensée néo-libérale considérant l’homme comme intrinsèquement mauvais. M. Cédelle, je crains de ne pas pouvoir vous convaincre sur ce point. Mais j’observe dans vos propos une évolution qui vous porte à mieux concevoir les raisons et les arguments des opposants. J’entendais d’ailleurs récemment M. Michel Rocard expliquer à la radio la différence entre concertation et négociation (il s’agissait des retraites), et les avantages de la négociation sur la concertation, lorsque l’on veut du moins réformer durablement un système. Vous est-il enfin apparu que, pour ce qui est de l’enseignement et de la recherche nous n’en sommes même pas parvenus au stade de la concertation ? ce qui ne permet pas, en effet, de bien augurer de la suite de toutes ces réformes…

Rédigé par : Yves Madiran | le 04 avril 2010 à 14:29 | Alerter
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